L'entraide, une manière comme une autre de nous rapprocher - Feat Montagne

Feat Montagne

Rêve d'Ebène poussa un soupir maussade, sans réel énervement mais par habitude exténuante de devoir lever les pattes de la boue qui semblait vouloir la retenir à tout prix.
Si la neige avait fondue depuis un moment déjà, les pluies de la fin de mauvaise saison et la fonte de la glace avaient transformées les rives du lac en un marécage difficilement praticable mais où les plants de menthe aquatique aimaient pousser.
Alors la guérisseuse au pelage noir comme la nuit devait donner d'elle-même pour pouvoir ramener les jeunes feuilles, devant nettoyer ses pattes devenues brunes de boue et faire un effort supplémentaire pour les extraire du sol.
A la fin de la matinée, elle était déjà exténuée par ses efforts et le fait d'aider les guérisseurs et botanistes des Troupes à trouver des remèdes ne l'aidait pas vraiment.
Depuis sa dispute avec Nephtys et depuis que la botaniste de la Troupe Embrumée avait découvert qu'elle s'occupait des chasseurs malades en cachette, elle avait acceptée de les aider pour trouver des remèdes, connaissant les abords de la forêt mieux que les quatre chats réunis. Et, si elle était contente de réduire ses différents avec ses compagnons d'infortune, devoir courir aux quatre coins du territoire pour trouver des herbes médicinales et patauger dans la boue tous les matins ne l'aidait pas à se reposer convenablement.
Elle essuya ses pattes dans l'herbe en ravalant un bâillement, ne voulant pas faire tomber ses précieuses récoltes de sa gueule. Les herbes qu'elle trouvait étaient déjà bien assez rares pour qu'elle se permette de les laisser traîner au sol à cause de sa fatigue.
Elle rentra dans le camp, saluant un guerrier et son apprenti qui sortait pour aller chasser et aussi Etoile de la Mélopée d'un signe de la tête, la meneuse étant en grande conversation avec sa lieutenante, Plume d'Ombre et la meneuse de la Troupe Inondée, Volcan.
Étrangement, la dispute qu'elle avait créée avec Nepthys semblait avoir réduit les méfiances et les différents entre Troupes et Clan et, même si chasseurs et guerriers continuaient de faire bande à part, il arrivait plus souvent de les voir manger ensemble ou tout du moins discuter sans se regarder en chien de faïence.
Elle arriva dans le coin des guérisseurs et botanistes et se dirigea immédiatement vers son coin de réserve pour séparer sa récolte entre ses besoins et ceux des Troupes. 
Elle rangea ses feuilles de menthe dans le trou qu'elle avait creusé à cette fin puis remit la mousse qui les protégeaient de l'eau et de l'humidité avant de se diriger dans le coin des Troupes.
Elle sursauta à demi en remarquant Montagne, la botaniste de la Troupe Inondée, fixant un trou de remède presque sans bouger. Observant la belle femelle au pelage tricolore, elle la vit tendre doucement la patte vers un remède et le renifler avec intérêt avant de froncer la truffe, comme si elle doutait de ce qu'elle avait devant elle.
- C'est du cerfeuil, se permit-t-elle d'intervenir, parlant doucement pour ne pas effrayer sa compagne qu'elle savait malvoyante pour l'avoir déjà observée. La racine n'a pas beaucoup d'odeur mais mâchée, elle fait un bon remède pour le mal de ventre et elle est plus facile à trouver que la menthe aquatique en cette saison.
Elle se rapprocha d'elle et posa les feuilles odorantes qu'elle avait réussi à récupérée ce matin avant d'adresser un sourire à la botaniste.
- Ma récolte matinale : menthe pour les maux de ventre et tussilage pour la toux. J'ai aussi du soucis pour désinfecter les plaies. On est jamais trop prévoyant.
Elle ne savait pas trop quoi attendre de sa comparse, ni trop quoi faire à présent alors, naturellement, elle demanda après un instant de silence.
- Tu as besoin d'aide pour quelque chose ? Je sais que tu es parfaitement compétente, je n'oserais jamais dire le contraire mais, je n'ai pas grand chose à faire et tu as l'air assez occupée alors...
Elle ne termina pas sa phrase. Si l’entraide apparaissait peu à peu entre les Troupes et le Clan de l'Ombre, Rêve d'Ebène ne savait pas encore jusqu'à quel point elle pouvait se montrer serviable et aidante, de peur de se montrer grossière ou qu'un chat ne prenne mal ce qu'elle lui disait. 

L'entraide, une manière 

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Sa demande ne reçue en premier lieu que le silence comme réponse et Rêve d'Ebène se demanda avec gêne si elle avait dérangée sa consœur ou l'avait offensée de quelque façon que se soit.
Elle faisait de grands efforts pour comprendre les règles et les rituels des Troupes, tout comme elle essayait de comprendre leur façon de penser et leurs croyances en l'Eau et la Terre, comme eux croyaient au Clan des Etoiles, mais elle n'était pas parfaite et était loin de comprendre tous les principes de ces chasseurs et peut-être bien qu'elle avait dit quelque chose de mal pour que le silence dure autant...
- Je sais que vous ne tentez pas de faire comme si j’étais incompétente, n’ayez craintes. Bien… je dois aller m’occuper de notre meneuse bientôt, mais avant ça j’aurais une question. Quelles plantes seraient les plus susceptibles d'apaiser l'âme ?
Quoi ?! Si la guérisseuse au pelage aile de corbeau s'était sentie un peu plus heureuse d'entendre une réponse de la part de Montagne, sa question la laissa perplexe. Une plante pour apaiser l'âme ?
Elle fut d'abord surprise par la facilité avec laquelle elle lui avouait les problèmes de leur meneuse car, il n'y avait pas beaucoup à réfléchir pour comprendre que son besoin d'aller voir Volcan était lié à sa question. 
Rêve d'Ebène n'était pas habituée à ce que les Troupes lui délivre ainsi des informations sur eux et, même quand elle avait voulu se renseigner sur les croyances de la Terre et de l'Eau, elle avait essuyé bon nombre de refus et de remarques acerbes avant que Nephtys ne veuille lui expliquer en quoi elles consistaient.
Il n'y avait pas à dire, cette botaniste magnifique qui lui faisait face était bien différente de ses camarades et pas seulement à cause de sa vue défaillante.
Ensuite, elle devina ce que sous-entendait la question de Montage et, là, elle ne put empêcher un sourire quelque peu triste de soulever le coin de ses babines.
- Ah, Montagne, j'aurais aimé que tu me poses n'importe qu'elle autre question que celle-ci car, si la camomille peut servir de calmant ou d'anti-stress et si la plupart des remèdes que je connais servent à apaiser les douleurs physiques, il n'en existent aucun pour apaiser la douleur de l'esprit...
Elle se rappelait quelques guerriers qui semblaient être malades sans qu'elle ne réussisse à les soigner avec les remèdes appropriés et elle se rappelait plus particulièrement, et avec un pincement au cœur, Nuage Blanc, son ami, son premier et seul amour, à qui elle n'avait jamais pu guérir les maux créés par les jeunes guerriers qui le tourmentait.
Cependant, elle se rappelait aussi de ce remède qu'elle avait miraculeusement trouver pour un guerrier loin d'être reconnaissant envers elle.
- Il n'existe aucune plante pour soigner l'âme, reprit-elle en s'en souvenant, mais je connais un remède pour le mal que tu veux soigner, même s'il est parfois difficile à mettre en pratique pour des chats réticents : parler.
Sa prescription pouvait paraître bizarre et surprenante, mais Rêve d'Ebène avait vu son efficacité à l'oeuvre plus d'une fois. 
Il n'existait rien de mieux pour soigner sa peine que l'exorciser par la parole, pleurer sur l'épaule de quelqu'un que l'on apprécie ou qui tout simplement ne juge pas et de s'épancher jusqu'à ce que le mal devienne plus supportable et que la vie nous paraisse soudain plus douce.

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Rêve d'Ebène avait fait de son mieux pour répondre à la question si étrange de la botaniste. Son seul remède, petit miracle si simple qu'elle avait mit un sacré bout de temps à trouver pour réparer les blessures de l'âme ne semblait toute fois pas la satisfaire.
Ce n'était même pas une question de satisfaction, elle semblait tout bonnement abattue, presque bouleversée et le soupir puis les mots qu'elle prononça par la suite lui assurèrent un peu plus de son état d'anxiété et de tristesse :
- Elle ne nous parle pas.. J'ai essayé de lui parler, de la faire parler, en parlant et en me taisant. J'aimerais tant que la terre et l'eau soient présents !
Ah, oui, c'est sûr que c'était un gros problème, comme une infection rend les cataplasmes inutiles, ou tout du moins plus difficile à faire effet. Sauf que là, elle n'avait plus de remède ou de solution miracle à donner à la belle chatte tricolore et elle sentait que, si elle le lui disait de cette façon, la femelle serait encore plus bouleversée.
- Cela peut arriver, malheureusement. Je connais des guerriers qui sont plus prêts à se battre contre moi qu'à simplement me parler, alors qu'ils savent parfaitement qu'ils peuvent me faire confiance. Il est parfois très difficile de percer les couches de protection que les gens se construisent pour faire face aux événements difficiles. Peut-être qu'au lieu de te taire, tu devrais lui parler, toi, lui dire qu'elle peut avoir toute ta confiance, que tu conservera tous ces secrets... Je ne sais pas trop, je ne connais pas ta meneuse... Ou peut-être que ce n'est pas toi mais quelqu'un d'autre qui devrait lui parler, quelqu'un qui arriverait à lui délier la langue pour rendre son cœur plus léger... Je ne sais pas...
Elle aurait voulu se montrer plus douce, moins fataliste concernant le sort de Volcan : c'était une meneuse après tout et une Troupe toute entière comptait sur elle. Si Etoile de la Mélopée était mal, la guérisseuse savait qu'elle serait probablement dans le même état que la botaniste et elle se demanderait probablement ce qu'elle avait fait de travers pour ne pas réussir à lui rendre sa santé, lui donnant des insomnies et un moral au plus bas.
- La Terre et l'Eau peuvent intervenir dans ce genre de situation ? demanda-t-elle, plus pour essayer de détourner l'attention de la belle femelle sur son incapacité à agir que par réelle curiosité de sa part. Ils peuvent envoyer des messages ou même communiquer avec les meneurs ? Comment tout cela fonctionne ? J'ai l'impression que c'est bien plus différent qu'avec nos ancêtres du Clan des Etoiles.
Rêve d'Ebène ne pouvait peut-être pas l'aider pour soigner sa meneuse, mais elle pouvait toujours essayer de soigner son mal à elle ou tout du moins la faire se sentir un peu plus légère, un peu mieux pendant un petit laps de temps. C'était aussi ça, l'entraide.