Un simple nom peut conduire à bien de choses.. Ft Rayn ~

Un simple nom peut conduire à

bien de choses


Feat Misty

Il faisait encore froid lorsque Rêve d'Ebène se réveilla dans sa tanière, la lumière de l'aube illuminant les parois de pierre de son antre.
S'asseyant, elle eu un bâillement qui chassa le sommeil de son être et elle s'appliqua quelques minutes à donner une allure respectable à son pelage emmêlé par sa nuit avant de sortir de sa couche.
Dans le nid à quelques pas du sien, Nuage de Violette, son apprentie, dormait encore d'un profond sommeil que la guérisseuse ne se voyait pas briser alors elle la laissa se reposer. Elle aurait tout le temps à l'avenir de se réveiller avec l'aube comme elle, habituée à avoir trop de travail pour se permettre une grasse matinée.
Elle se rendit dans le camp où la patrouille de l'Aube se préparait et elle salua les guerriers encore à moitié endormis avant de sortir par le tunnel de ronces. Sa ronde matinale consistait surtout à aller voir les plants qu'elle connaissait pour s'assurer de leur abondance en ce début de printemps et à repérer de nouvelles pousses mais, avec la mauvaise saison, ses réserves avaient bien souffert et elle se devait en plus de récolter quelques remèdes indispensables, laissant le reste de ses recherches pour la suite de sa journée et aussi pour son apprentie, sans quoi elle n'aurait plus rien à faire.
C'était difficile pour elle de s'habituer à donner du travail à une autre, ancrée comme elle l'était dans sa routine de guérisseuse solitaire, mais elle s'adaptait rapidement.
De sa matinée, elle ramena des feuilles petites mais bien colorées de menthe aquatique ainsi que les premières baies mûres du genévrier qu'elle suivait de près. Elle avait aussi découvert de nouveaux plants de framboisier qui lui serraient très utiles lorsque le ventre des prochaines reines viendraient à s'arrondir et les graines de pavot étaient presque à maturité. La saison des feuilles nouvelles s'annonçait aussi giboyeuse qu'abondante en herbes et elle en était heureuse après la terrible saison des neiges que le Clan venait de vivre.
Dans le camp, une patrouille de chasse venait de rentrer, revenant très probablement d'une embuscade au Charnier vu la quantité et la grosseur des rats qu'ils ramenaient. 
Bien que cela pu nourrir le Clan, la femelle au pelage noir comme la nuit ne put empêcher une étincelle de réprobation et de colère de brûler en elle. Ses réserves étaient encore maigres et les guerriers se précipitaient déjà dans le danger. Et qu'aurait-elle fait si l'un d'eux était revenu avec une morsure de rat ? Ou, encore pire, si toute la petite troupe était revenue couverte de morsures ? Les guerriers ne réfléchissaient jamais aux conséquences de leurs actes...
Elle poussa un petit soupir en retournant dans son antre. Nuage de Violette n'était plus là, très probablement partie donner à manger aux anciens ainsi qu'aux reines et au plus vieux des chatons tout en allant leur donner les traitements nécessaires. 

Bien, cette petite arrivait très bien à se débrouiller sans qu'elle soit là pour lui indiquer la marche à suivre. Elle devait bien avouer qu'elle se comportait de plus en plus comme une véritable guérisseuse et, surtout, elle se comportait de plus en plus comme elle.
Pendant un instant, un nouveau soupir l'envahit. Pourvu qu'elle ne termine pas définitivement comme elle, ce n'était pas une chose simple que de vivre chaque jour en étant elle, en portant le poids des mauvais souvenirs, des blessés et des morts qu'elle n'avait pas pu sauver et de toutes les petites choses pour lesquelles elle s'en voulait toujours, même après autant de lunes passées...
- Est-ce que je peux entrer Rêve d'Ebène ? Je me suis planté un caillou entre deux coussinets, et ça me fait atrocement mal.
Oh, et voilà quelque chose avec lequel elle n'avait pas envie de se battre aujourd'hui. Juste à entendre sa voix, le tas de souvenirs sombres et douloureux qu'elle conservait au fond d'elle remua, prêt à faire remonter les images insoutenables à sa pleine conscience.
Dans l'entrée de son antre, la tête de Chant du Corbeau apparut et son nom résonna dans le cœur de la guérisseuse en même temps que l'image d'une armée de corbeaux aux serres couvertes de son sang et de celui de son ancien et unique amour, Nuage Blanc.
Elle avait une envie terrible de débouler dans la tanière d'Etoile de la Mélopée pour lui demander qu'elle idée lui avait traversé l'esprit pour donner un nom pareil à un guerrier alors qu'elle savait parfaitement ce qu'elle avait pu vivre pendant son apprentissage, mais la meneuse n'y pouvait pas grand chose. Des guerriers ayant perdu des membres de leur famille à cause d'un renard ou d'un blaireau supportaient parfaitement leur camarade nommé Patte de Blaireau ou Pelage de Renard. Le problème ne venait pas des noms choisit par la meneuse, mais d'elle, Rêve d'Ebène.

- Pourrais-tu me l'enlever s'il te plait ?
La voix du mâle au pelage sombre la ramena dans son antre, à l'instant présent et elle le regarda pendant un moment sans savoir qu'est-ce qu'il lui demandait et ce qu'il faisait ici. Puis, sa conscience lui souffla la blessure du guerrier et elle retrouva une partie de sa présence d'esprit.
- Oh, fit-elle, ses oreilles agitées d'un sursaut, oui, je... je m'en occupe. La patte gauche, c'est bien cela, Chant du... ?
Elle leva ses yeux sur le guerrier, la fin de son nom bloqué dans sa gorge. Son pelage noir semblait être des ailes de ces volatiles de cauchemar, claquant autour d'elle tandis que leurs cris résonnaient partout, semblant l'accompagner dans sa souffrance et dans la mort de son ami et amour à ses pattes...
Rêve d'Ebène dû se secouer violemment pour ne pas se laisser submerger par le souvenir, puis son regard revint sur Chant du Corbeau sans toutefois croiser le sien.
Il devait la prendre pour une folle à se comporter de cette façon. Elle-même ne comprenait pas ce qui lui prenait à chaque fois qu'elle devait prononcer le nom du guerrier ou juste le regarder en face. Qu'est-ce qu'y clochait chez elle pour voir resurgir le sanglant et douloureux souvenir de la mort de Nuage Blanc quand elle regardait le mâle qui n'avait pourtant rien à voir avec tout ça ?

Elle se sentait vraiment comme une cervelle de souris pour ses réactions et pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de penser que le nom du guerrier sombre était idiot. Les corbeaux ne chantaient pas, il n'y avait rien de beau dans leur croassement grinçant et sombre. Tout ce qu'ils faisaient, s'était appeler la mort à grands cris et la souhaiter à tout ceux qui avait la malchance de les croiser...
-Lève ta patte pour que je puisse regarder, ordonna-t-elle sur un ton bien plus froid et incisif que nécessaire. 
Elle s'en voulait d'agir de cette façon mais elle n'arrivait n'y à s'excuser, ni à se retenir de parler aussi froidement et aussi mal.