Bring me back to life - Fuyu

Feat Fuyu

Autour de lui soufflait le vent, un air brutal et froid par rapport au soleil qui dardait ses rayons sur son pelage fournit et qui lui fouettait la truffe à chaque nouvelle bourrasque. Dans le ciel où passaient quelques nuages blancs au-dessus de sa tête, le cri d'un rapace retentit et Rune ouvrit les yeux en plissant les paupières pour reconnaître les ailes larges et déployées d'une buse.
Autour de lui soufflait le vent, mais il soufflait aussi en lui, vidant sa tête de son sifflement continu tout en refroidissant son être de l'intérieur, transformant peu à peu son cœur en une chose rêche et tordue comme les herbes sur lesquelles il avait posées son arrière-train.
Il y a encore peu, il aurait aimé se trouver ici, profiter simplement du calme relatif que le vent lui apportait et il se serait peut-être même frotté au corps lourd et massif d'un des rapaces qui se posait parfois dans la plaine, histoire de ramener une bonne proie aux siens. Aujourd'hui cependant, il était tout simplement vide, incapable de ressentir quoique ce soit d'autre que ce froid intérieur qui l'avait envahit.
Il se fichait bien de ramener de quoi manger aux "siens", la Troupe n'ayant plus de liens avec lui autre que celui de la souffrance et du rejet. Il se fichait bien d'apprécier le vol de la buse dans le ciel ou les rayons du soleil sur sa fourrure épaisse alors que toutes ses sources de joie avaient disparues. Maintenant que Mahya était morte, même si cela datait de bien des lunes, maintenant que Pantin, son seul et unique fils, l'avait laissé sans un remord pour l'amour d'une chatte domestique !
Il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même pour tout ça. Il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même d'avoir laissé Mahya seule alors qu'elle venait de donner naissance à Pantin, même si elle le lui avait cracher à la figure, permettant à ce chasseur jaloux de lui arracher la vie d'un seul coup de patte. Il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même si il avait abandonné son fils unique à son sort, le laissant pendant plus de vingts lunes sans qu'il sache qui était son père, alors qu'il le croisait tous les jours et il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même si il était arrivé trop tard pour changer les choses, le mâle brun et tigré ayant préféré l'amour certain d'une chatte domestique plutôt que celui d'un père qui avait mit autant de temps à se faire connaître et l'avait abandonné à son sort sans jamais lui venir en aide.
Le vent eu un rire glacé à son oreille et Rune gronda en se secouant tout entier, se relevant dans un même temps. C'était pour se vider la tête et éviter les murmures devenus irritants de ses ancêtres dans les bois qu'il était venu ici, ce n'était pas pour s’encombrer une nouvelle fois de toutes ses erreurs et de toutes les raisons qui faisait qu'il se retrouvait ici aujourd'hui, seul, craint par les membres de sa Troupe pour son apparence et abandonné par les personnes qu'il avait aimé un jour dans son existence.
La buse poussa un autre cri et Rune la vit tomber du ciel droit sur un rongeur qui courrait entre les brins d'herbes, ressentant un reste d'admiration pour la technique de chasse impressionnante de la créature ailée.
Cependant, il fut vite détourné de ce petit spectacle par une autre silhouette, indéniablement féline dans l'horizon plat et herbeux de la plaine et qui lui parut minuscule, à plusieurs longueurs de queue de sa position.
Un Escogriffe ?
Seul ces chats sans foi ni loi parcouraient les terres si proches du territoire des Troupes et il n'avait jamais vu de Solitaire aussi petit venir jusqu'ici, contrairement aux Escogriffes, qui étaient pour la plupart plus jeunes que lui.
Ses griffes sortirent de leurs fourreaux pour gratter le sol et les poils sur son encolure s'hérissèrent lentement. Il avait beaucoup de haine envers les Escogriffes depuis qu'ils l'avait emprisonné sous terre lors de leur découverte des Clans et la hargne qui l'habitait depuis peu ne demandait qu'à sortir de son corps par n'importe quel moyen.
Un combat, bien qu'inutile, lui permettrait peut-être de garder la tête vide.
Sans attendre, il poussa sur ses pattes arrières, faisant se tendre ses muscles puissants et fonça sur le petit chat qu'il fit tomber d'un rude coup d'épaule, posant aussitôt ses pattes massives sur ses épaules pour l'empêcher de s'enfuir.
Il avait envie de voir la surprise et la fureur apparaître dans ses yeux. Il avait une envie presque meurtrière de le voir bien en face avant de lui infliger la pire défaite de son existence futile.

- Dit moi quel est ton nom Escogriffe, ordonna-t-il de son miaulement grave transformé pour le coup en un feulement froid et tranchant, que je sache qui je vais réduire en pièce aujourd'hui.

© Kinotto de LG.