Une partie de chasse [feat Moussy]

Le réveille sonne, la blanche colombe prend son envol. Et retourne à l'hirondelle. Le noir de l'hirondelle devient un gris tigré. La colombe de la liberté devient l'hirondelle du rêve. Un rêve bleu qui s'éteint. Mais qui continue de flamboyer dans la rétine de l'animal qui s'éveille, fusion de l'hirondelle et de la douce colombe. Parfaite et harmonieuse, plus instable qu'une étoile, plus lumineuse qu'une étoile à neutron, plus douce que la neige pour un insensible au froid : un chat.

Douceur de l'Hirondelle émergea de son rêve bleu. Le monde doré n'avait pas tout à fait montré son éclat, il faisait encore nuit, mais déjà on la sortait de son sommeil pour l'attirer ici. Attristée, elle contempla l'auteur de ce gâchis. Le lieutenant venteux lui fit signe d'aller chasser, il devait en avoir marre de dire ça à tout ses guerriers. La douce guerrière du crépuscule se leva, chassant les miroitements de son rêve bleu, laissant son monde doré la subjuguer de ses teintes ternes et sans nuances. Les couleurs ne chantaient pas ici.

Obéissante, elle se dirigea vers son compagnon de chasse. Elle ne constata pas le guerrier, il était trop tôt encore, son rêve bleu lui mentait encore sur le monde doré. L'animal parla, mais elle n'eu pas le temps de répondre. Ils se mirent vite d'accord sur le lieu de chasse : dans les champs. Elle le suivit docilement, il était légèrement plus âgé qu'elle et elle sentait qu'elle ne devait pas le contredit. Elle continua de le suivre sans dire le moindre mot, sans le regarder, sans remarquer ses formes, ses caractéristiques. Elle se contentait de détailler dans sa tête le paysage hivernal qui s'offrait à ses prunelles vertes de jade. Elle ne remarqua même pas qu'il lui avait à nouveau parlé. Elle débusqua le son de l'envole d'un oiseau. Qu'est-ce qu'un oiseau faisait encore ici en cette saison ? Elle se laissa happer par l'appel de la vie sauvage, douce.

Elle s'approcha, contempla l'oiseau. Ce n'était pas une grive, mais un vanneau. D'une trentaine de centimètres. C'est la première fois qu'elle voit un oiseau en hiver. Elle regarde le charadriiforme d'un air fasciné. C'est la première fois qu'elle voit cet oiseau. Avant de le chasser, elle décide de le graver dans sa tête. Elle est sûre qu'elle n'en reverra pas un de si tôt.

Vu de côté, la forme au plumage singulier avait l'air d'avoir des couleurs complexes. Ses couleurs, à lui, chantaient. Une tête couleur de marron crémeux, très dilué dans l'eau. Même dans du lait. Les formes de son crâne minuscule étaient embrassées par une teinte plus foncée. Couleur châtaigne. L'oiseau avait le col noir, avec sur le dos un dégradé de brun foncé. Il avait un ventre blanc de neige, et des ailes noires et brunes aux reflets verts bleutés. Des yeux noirs et vifs. Avançant calmement. Ses couleurs chancelaient pour danser autour du petit animal. Chantant une mélodie sauvage et fluide. Un seul instrument à son arc, mais plusieurs archets pour soulever le son. Juste quelques flûtes, pas grand chose. Des flûtes, mais pas de basses, pas de cores, juste des flûtes.

Soudain, elle bondit. L'oiseau ne la vit pas. N'eu pas peur. Il se laissa mourir au creux de ses mâchoires. Comme apaisé. Elle resta là un instant. À s'assurer que l'animal dodu était mort entre ses babines. Il était bien achevé, pas le moindre signe de raideur non plus. Elle l'enterra en silence. Toujours aussi douce.

Une odeur vint se faufiler de ses narines jusqu'à son système nerveux, une alerte se lança : lièvre. Bien. En posi.. Au moment où elle le vit, en position du chasseur, tapie dans les hautes herbes, son camarade lui fit signe que cette proie était sienne. Soit. Elle se redressa en douceur. Et dressa la tête, la gueule entre-ouverte à la recherche d'une autre proie. Une odeur de souris lui répondit. Elle se tapie à nouveau, repéra sa proie, la visualisa. Et bondit.

Malheureusement, ce qu'atteint son crâne et ses pattes tendues habilement fut un autre chat. Son camarade et elle s'étaient jetés en même temps sur la souris, qui s'enfuit à toute patte dans un son de hurlement de terreur.

Elle atterri sur la cage thoracique, ce qui fit s'échapper de ses crocs un feulement de douleur et de stupéfaction. Elle se releva, sans prendre la peine de s'ébrouer, pantelante.

- Tu n'avais pas fais signe comme quoi tu attraperais ce lièvre ? Miaula-t-elle, se remettant sur ses pattes, la tête tournoyante un peu. Elle zozotait légèrement, s'étant mordu la langue. Un goût métallique explosa soudain dans sa gueule, elle grimaça et soulagea sa langue endolorie et gonflée en se léchant la truffe. rependant sur celle-ci de fines traces de sang, formant comme des cicatrices à l'odeur acidulée de sang frais.

Elle se demanda soudain si son camarade de clan n'avait rien. Elle oublia instantanément sa douleur pour porter enfin de l'attention à l'aspect du chat, d'une lune seulement son aîné. Un chat roux. Au pelage emmêlé. Ça lui donnait un côté sauvage, et indomptable. Ce côté était renforcé par ses crocs légèrement jaunies. Il n'avait pas l'air blessé. Ce chat était très musclé, elle avait l'air d'une novice  à côté. Ses yeux étaient d'un bleu azuré, tout aussi sauvage que son pelage. Mais la sauvagerie de son œil venait probablement de l'accrochage qui venait d'avoir lieu..

Honteuse, elle baissa la tête.

▬ Tu n'as rien ? Miaula le matou. Elle répondit que non. Puis ils continuèrent à chasser.

Elle flaira une grive. Ils étaient chanceux aujourd'hui. En plus une grive ! Comment cela se faisait-t-il qu'elle n'avait pas migré ? Quoi qu'il en soit, elle se positionna en position du chasseur et entreprit de capturer l'oiseau.

Se positionner. Repérer. Se tenir prêt. Bondir.

La grive fût abattue d'un coup de croc silencieux et sans douleur.

Une belle grive. Couleur caramel. Douceur de l'Hirondelle leva la tête, et imagine des tas de ces même grives en train de migrer vers un territoire plus chaud. Elle se senti s'envoler avec elles. Dans un tas de poudreuse, dans une magie consternante. Elle se senti s'envoler. Dans un tourbillon de poudreuse. Enveloppée dans une musique de poudreuse. Et encore de la poudreuse.

Il y avait tellement de poudreuse tant dans son monde que dans celui-ci qu'il en était difficile de voir le paysage. Des milliers de flocons tourbillonnaient et tourbillonnaient devant ses yeux.

Puis ils repartir chasser ensemble. Jusqu'à ce que la neige ne les empêche d'y voir claire.

Croc d'Or proposa de s'arrêter. Elle obéit docilement.

Douceur de l'Hirondelle regardait la neige tomber. C'était un spectacle ravissant. Un vent froid lui caressa la fourrure. Elle savoura les odeurs et le vent autant que ce faire ce peut. Elle imagina une patte tendue vers le ciel neigeux comme si elle pouvait toucher les nuages.

La tempête s'intensifiant, elle proposa à son camarade de rentrer au camps.