FEAT cauchemar de minuit

la seule que j'aime

C'est dur en fait.
C'est dur d'oublier. C'est dur de ne pas y penser.
D'abord maman. Puis papa. Puis Cauchemar de Minuit. C'est allé si vite, je n'ai pas eu le temps de leur dire au revoir. Je regrette, je regrette tellement de ne pas avoir passé plus de temps avec maman, de ne pas avoir essayé d'avoir une discussion normale avec papa, de ne pas avoir continué de parler à Cauchemar de Minuit après lui avoir avoué mon amour.
Mais ça a été compliqué, ça m'a fait mal de la voir partir en balbutiant. Je le savais pourtant, c'était logique que ça ne soit pas réciproque. On était amies, même meilleure amie, pourquoi est-ce qu'elle éprouverait quelque chose de plus pour moi ? Pourquoi est-ce que je l'aimais ? Elle était une femelle, je suis une femelle, est-ce que c'est possible ? Oui, ça l'est, ça l'est puisque je l'ai aimée, je le sais. J'ai ressenti ces fameux papillons dans le ventre quand elle me regardait, qu'on on était proches et waouh, qu'est-ce que ça m'a fait du bien. Je suis en manque, je suis en manque d'elle et de son odeur, d'elle et de sa tâche blanche, d'elle et des ses splendides yeux violets. Je n'aurais pas dû. Je n'aurais pas dû lui dire que je l'aimais, ça n'a fait que nous éloigner, et elle est morte. Je ne sais pas comment c'est possible, comment on a pu en arriver là. Elle est morte pour le Clan, c'est une belle mort pour une guerrière comme elle. Mais elle était lieutenante, elle allait devenir chef lorsque son heure serait arrivée. Elle avait toute la vie devant elle.
On avait toute la vie devant nous.
Je regrette de ne pas avoir été à sa place. Ç'aurait du être moi, j'aurais du mourir ce jour là. Elle serait encore là. Je n'aurais pas perdu mon amour, enfin si, mais ça n'aurait pas été pareil. Ou si, peut-être. Je ne sais pas si j'aurais tenu là-haut, sans elle. Quelle torture d'être séparé de ceux qu'on aime, de les voir et de ne jamais pouvoir leur parler!

Des fois, je m'imagine ce que notre vie aurait été si elle n'était pas morte et si mon amour était réciproque. En réalité, ça n'aurait pas changé grand chose. J'aurais juste eu l'impression d'être aimée, cette impression qui me manque plus que tout maintenant que maman est partie. Je pense qu'on aurait été heureuses toutes les deux. Je ne sais pas si on aurait avoué notre relation au clan, peut-être aurions-nous eu peur de leur réaction. Et puis, quelle importance ? Autant garder ça comme notre jardin secret. Je l'aurais observée durant la journée, alors qu'elle superviserait les patrouilles et l'organisation du clan. Les yeux brillants de fierté et d'amour. Et puis le soir, alors que tout le monde dormirait, on se retrouverait en cachette, on se raconterait notre journée, on se plaindrait, mais on sentirait notre cœur battre à l'unisson.

Le manque me tue.
Le retour à la réalité est toujours brutal.

J'ai entraîné Nuage d'Herline aujourd'hui, et je suis fatiguée. Je suis contente d'elle, elle progresse bien. Parfois, pendant l'entraînement, j'oublie presque le manque, et je me laisse aller. Je ne pensais pas que cela se ferait aussi vite. Je ne sais pas s'il fait que je me sente coupable ou heureuse, alors je me sens les deux à la fois.
Je n'ai pas pu m'empêcher d'aller faire un tour à la pouponnière, aller saluer les reines et jouer un peu avec les chatons. C'est comme une deuxième famille pour moi. L'odeur du lait des mères me rassure immédiatement, et je me sens bien dans la chaleur. Quand l'entraînement sera fini, peut-être que je resterais ici en tant que reine pour aider les autres. Je m'y sens utile, enfin.
Le sommeil me pèse, il se fait tard et je décide de rester ici. Parce que les piaillements incessants des chatons me bercent, et que je n'ai tout simplement plus la force de bouger. Je m'endors avec le vide, avec le noir.

J'ouvre les yeux dans la lumière, je me lève doucement. Je rêve. Oui, je rêve, il n'y a que ça comme explication. Parce que devant moi se trouve la plus belle féline qui aie jamais existé, la plus courageuse et la plus déterminée, la personne qui me manque le plus au monde. Je ne peux pas bouger, je suis tétanisée. Elle se rapproche, et puis elle murmure mon nom. « Aube Silencieuse. » Mon nom dans ses lèvres, c'est comme me faire caresser par un nuage. Elle est là, elle est là et je ne bouge pas. J'ai déjà espéré des dizaines de nuits de la rencontrer dans mes rêves, et je me suis faite à l'idée qu'elle ne viendrait pas. Et maintenant que je suis devant elle, je suis bloquée. Mon cœur bat plus vite que jamais. « Cauchemar de Minuit... Je... » Les mots me manquent, les mots me manquent et je souffre. J'aimerais lui dire "Je t'aime", mais elle le sait déjà.