Bien allongée dans la tanière des guerriers, Pluie Torrentielle écoutait les respirations régulières de ses camarades. Près d’elle, son frère, Esprits des Songes, dormait paisiblement. Ne trouvant pas le sommeil, Pluie Torrentielle décida de se lever et d’aller prendre l’air. La conversation qu’elle avait eue avec son frère la troublait. Elle avait eu l’impression qu’il ne se sentait pas près à devenir chef un jour. Il avait peur que les autres le voient et le traite différemment. Elle sortit donc et se coucha à l’ombre de la tanière. Personne ne pouvait la voir. Au moment où elle allait réussir à s’endormir, un mouvement à la sortie du gîte des apprentis attira son attention. Une petite boule de poils était en train de se diriger vers la sortie. Qu’allait-elle faire à une heure si tardive ? N’était-elle pas censée se reposer ? La guerrière décida donc de la suivre et d’en avoir le cœur net. Elle laissa un moment d’enfance pour ne pas se faire remarquer et se dirigea vers la sortit. L’apprentie se dirigeait vers le côté des fortifications. Elle la suivit alors de loin. Rien ne servait de se montrer tout de suite. L’atmosphère autour d’elle était humide, même écrasante. Le ciel était sombre, aussi noir que lorsqu’une tempête va éclater. Il était rempli de cumulonimbus. La tempête approchait rapidement. Lorsqu’elle s’approcha de la cachette de la fugueuse, ce qu’elle vit était étrange. Il ne fallait pas piquer des hannetons pour comprendre que quelque chose clochait. La chatte tigrée était couchée dans l’eau sur le flanc. Pourquoi fallait-il toujours que les petits aient d’étranges comportements. Pluie Torrentielle décida de sortir de sa cachette et interpella la petite.

— Veux-tu bien me dire ce que tu fais coucher là ? Cesse de faire la morue et retourne te coucher. Il est tard et un orage approche.

La chatte tigrée était complètement trempée. Contrairement aux autres membres de leur Clan, son poil long et touffu absorbait l’eau au lieu de la garder à l’extérieur. Quelle drôle de chatte elle faisait ! En plus, Étoile d’Équinoxe avait accepté de la nommée apprentie guerrière, malgré sa patte folle. Elle sortit prestement du trou et lui répondit :

« Je n’arrivais pas à dormir, alors je suis allée inspecter les fortifications pour mettre mon insomnie à profit. J’ai juste trébuché. Et… J’ai eu un peu de mal à me relever après ça, je glissais dans la boue. »

Voilà que maintenant la petite restait prise dans un trou à cause de la boue. Pluie Torrentielle eut du mal à garder son calme. Cela ne prit que quelques secondes avant qu’elle n’éclate de rire. Un rire à s'en couper le souffle. Elle n’arrivait tout simplement pas à reprendre son souffle et à répondre à l’apprentie. Elle devait avoir l’air débile. Pluie Torrentielle essayée à plusieurs reprises de reprendre son souffle, mais chacune de ses tentatives. Lorsqu’elle vu le regard un peu choqué de Nuage de Fougère qui la regardait, la guerrière réussit enfin à reprendre son souffle et à lui répondre:

- Je vois. Probablement à cause de ta patte arrière. Aller viens je vais t’aider à te sécher sinon tu resteras mouillé et tu attraperas le mal blanc en pleine saison des feuilles vertes. Je vais te cacher.

Elle invita donc sa cadette à la suivre d’un mouvement de queue et le ramena à l’intérieur du camp puis se coucha sous le promontoire ordonnant à la même occasion à l’apprentie à faire de même près d’elle. Lorsque tous les deux furent bien installés. Pluie commença à lécher la fourrure à rebrousse-poil pour faire sortir l’eau de sous l’épaisse couche de fourrure. Cela ne devait pas être très agréable, mais en aucune façon, la petite n’allait tomber malade et contaminer tout le monde. Ce n’était vraiment pas le moment pour ça.

L'
apprentie se hérissa et s’écarta vivement de Pluie Torrentielle. La petite la regardait avec un regard noir. Sans s’en rendre compte Pluie Torrentielle avait fait du tord à la petite. Puis Nuage de Fougère éclata dans une colère :


« Non, ce n’est pas à cause de ma patte ! N’importe qui peut glisser dans la boue ! Pas besoin d’avoir une patte tordue pour ça ! Pourquoi est-ce que, sitôt que je fais quelque chose, il faut qu’on l’associe à ma patte d’une façon ou d’une autre ?

La petite changea alors sa voix, comme on le fait quand on répète des propos entendus

Nuage de Fougère aurait mieux fait de devenir une apprentie guérisseuse, avec sa patte elle ne pourra jamais se battre, ni même chasser ! Regarde comme Nuage de Fougère travaille dur sans se plaindre alors qu’elle a une patte tordue, et toi qui est en parfaite santé, tu oses te plaindre ? Oh, Nuage de Fougère, tu vas te faire mal, tu devrais plutôt passer ta journée cloîtrée au camp, et tant pis si tu ne serais pas heureuse ! Laisse-moi mettre les choses au clair, d’accord ! Je ne suis pas moins compétente que les autres apprentis. Et je peux réaliser mon rêve, même si pour cela je dois adapter le chemin que j’emprunte ! Et je ne veux pas être brandie comme un argument pour invalider les souffrances et difficultés des autres. Si je travaille dur, ce n’est pas parce que je suis particulièrement plus forte, c’est juste que je veux que vous oubliez que j’ai une patte tordue, je veux être tellement douée que vous cesserez de me regarder comme si ma patte me définissais ! Je ne me considère pas plus différente de toi qu’un autre. Et j’aimerais que vous aussi, vous commenciez à me regarder comme simplement Nuage de Fougère. Rien de plus. »

Pluie Torrentielle en resta bouche bée. Comment, une apprentie nouvellement baptiser, pouvait décider de s’en prendre à une guerrière de cette façon. En plus la chatte grise n’avait rien dit qui aurait pu blesser la guerrière. Elle avait peut-être parlé de sa patte folle, mais ce n’était pas pour se moquer d’elle. C’était un fait. Bien normal qu’elle est de la misère à marcher dans la boue. N’importe qui aurait probablement glissé s’il n’avait pas fait gaffe. Simplement, avec sa patte il était probablement difficile de trouver appuis dans un sol glissant. Pluie Torrentielle se leva et vint se positionner devant la petite bien en vue. Puis elle la fusilla du regard. Elle prit la parole tout en continuant de la regarder d’un air sombre :

- Comme oses-tu t’en prendre à moi, alors que je ne t’ai rien fait. Tu me dois le respect jeune fille. Maintenant que ta crise est passée, reviens te coucher. Tu vas attraper le mal blanc en plein été.

Pluie Torrentielle retourna alors sous le promontoire et s’y coucha. Elle reprit son calme légendaire et fit un mouvement de la queue à Nuage de Fougère. Mouvement qui ne permettait pas de rouspéter. Puis, lorsque la petite se fut réinstallée non sans un air grognon, Pluie Torrentielle reprise sa tâche. Léchant la petite à rebrousse-poil, faisant ainsi sortir l’eau de sa fourrure épaisse. La jeune guerrière prit une pause et dit à l’apprentie :

- Vois-tu je ne parlais pas de ta patte dans le sens que tu le crois. Je pensais plutôt qu’il était normal que tu sois glissé puisque n’importe qui aurait pu le faire. Il est parfois difficile de trouver sa place quand on se croit à part des autres.