Et je reviens, changée, mais toujours moi [ft Pelage de Lave]

Respiration haletante.
Ses pattes raclaient le sol avec une régularité de métronome. Un guerrier au pelage des couleurs de la nuit filait à travers la forêt sombre. Depuis qu’il était devenu lieutenant, Pelage de Lave n’avait plus une minute à lui. Il avait remercié le Clan des Etoiles de ne pas avoir d’apprenti de qui s’occuper pour le moment. L’été était déjà bien entamé, et il recommençait seulement maintenant à admirer les couleurs de la forêt et à apprécier le vent qui lui courrait sur le visage. Il sentait monter en lui un nouveau souffle. Et il sentait qu’il aurait besoin de toute l’énergie du monde car bientôt il serait chef de Clan. Non, ça il n’en doutait plus une minute. Il serait le prochain maitre de ce territoire… Et il se demandait déjà qui serait le prochain lieutenant.

Il avait senti le besoin de se vider la tête et ses pattes l’avaient conduit hors du camp. A présent, il filait si vite qu’il lui semblait que personne ne pouvait le rattraper.

Il pensait à ses frères de clan. Il y avait tant à construire, tant à gagner. Et cette cloche d’Etoile de la Mélopée qui ne faisait rien. Au moins, elle avait eu le bon goût de le nommer lieutenant. Et il était persuadé qu’elle n’avait pas à s’en plaindre. Il prenait son rôle très à cœur. Bien sur, il était toujours l’indéfinissable connard arrogant qu’il avait toujours été, mais au moins il faisait son boulo. Et c’était probablement l’essentiel.

Il eut une pensée pour Patte Perdue et Petite Rosée, qui trépignaient dans la pouponnière. Les deux femelles miniatures allaient bientôt passer apprenties. Quel mentor Etoile de la Mélopée leur choisirait ? C’était deux chatonnes mignonnes, gentilles… Absolument pas prédisposées pour devenir de fortes guerrières sans pitié. Mais bon, peut-être que ces deux bouts de chou étaient-elles encore rattrapables… Il y avait également Petite Sauvageonne qui était plus que prête pour son entrainement. Elle semblait se complaire dans l’insouciance de l’enfance pour le moment, mais elle avait du potentiel malgré son sale caractère. De toute façon, dans cette famille, ils avaient tous du potentiel. Elle était la digne de fille de la défunte lieutenante Plume d’Ombre…

Plume d’Ombre

Pelage de Lave n’avait jamais imaginé que cette femelle lui manquerait. Mais il avait eu l’occasion de lier des liens forts avec elle. Il était probablement mieux qu’elle soit morte toute seule comme une grande. Sinon, Lave aurait dû se charger d’elle lui-même. Quelle malchance qu’elle se soit trouvé sur son chemin vers la domination. Il aurait bien aimé l’avoir à ses côtés car elle était toujours de bons conseils. Mais bon, tant pis. C’est la vie, hein ?

Soudain, sa respiration se coupa et il fut projeter à toute force dans le monde qui l’entourait. Une odeur inhabituelle avait éveillé son museau si bien entrainé. Une odeur de solitaire, qui hérissa instantanément son poil noir. Intrus
Son sang ne fit qu’un tour. Il n’aimait certainement pas les intrus sur son territoire. Qui donc osait ?

Il fonça, silencieusement, orienté par les effluves adverses. Il le vit. Un chat blanc crème, parsemé de tache brunes et noires, se tenait là, insouciant. AU mauvais endroit. Lave ne se fit pas prier et lui fonça dedans, l’envoyant valser plus loin. Le guerrier du Clan de l’ombre, qui avait l’avantage de sa musculature puissante, plaqua l’inconnu au sol. Une inconnue plutôt.
De surprise, probablement, celle-ci ne se débâtit pas tout de suite. Puis vint la technique. Une solitaire de base n’était pas si bien entrainée, habituellement. Et à grand coup de crocs et de griffes, l’intruse réussi à se défaire de l’emprise de son assaillante au pelage sombre.
Pelage de Lave ne lui laissait pas le temps de souffler avant de réattaquer, cherchant à la fatiguer au maximum. Ils roulèrent ainsi, dans la poussière et les aiguilles de pain. La femelle était forte, et possédait de très bons réflexes au combat. Elle finit par immobiliser Pelage de Lave, sans pour autant tenter de lui faire du mal. Le matou noir, les oreilles aplaties contre sa tête, s’étonna de ce manque de combativité et s’apprêtait à répliquer lorsqu’une voix familière cria :

« C'est moi ! Pelage de Lave c'est moi ! je suis revenue »

Abasourdi, il arrêta toute tentative pour s’échapper des griffes de l’assaillante. Il croisa son regard et découvrit avec stupeur l’identité de l’inconnue :

- Chant de Vie !

S’étouffa-t-il de surprise, perdant toute son animosité d’un seul coup.

Des lunes…

Des lunes qu’elle avait disparu. Il l’avait cru morte, tuée par les escogriffes. Et pourtant elle se tenait là, devant lui, braquant ses deux yeux verts pâles dans les iris ambrées du mâle. Son odeur familière du Clan de l’Ombre avait cédé place à celle des solitaires.

- Par le Clan des Etoiles, j’aurais pu te blesser !

Enfin… peut-être était-ce déjà fait. Mais ce n’était que quelques égratignures, heureusement. Il ne l’avait pas reconnu…. Il se sentit soudain très con.

Première stupeur passée, il était toujours sur le dos, aplati par le poids de la femelle… Celle-ci n’avait pas détaché son regard du sien. Etait-ce une lueur d’amusement, qui brulait au fond de ses prunelles, de voir un matou habituellement si froid et arrogant complètement désarçonné par la vision d’une revenante ?

- Heum… tu peux me libérer maintenant ?... s’il te plait ?

Demanda-t-il poliment, encore sous le choc, tentant de reprendre son ton glacial.