Feat Power

Il était parti chasser, encore une fois. Il partait chasser tous les jours, de toute manière, tant qu’il n’y avait aucune attaque sur son territoire, il n’y avait pas de combat. Alors excepté donner quelques coups de main au niveau des Classes pour les Novices, il n’avait que la traque de nourriture pour s’occuper. En plus d’observer La, bien évidemment. Par la Terre et l’Eau, on dirait presque un gros stalkeur psychopathe. Sauf que non, en fait, il n’en était pas un. Il tenait simplement à veiller sur elle. Il devait la protéger, coûte que coûte. Et personne n’avait le droit de s’approcher d’elle, personne. Enfin, si, mais pas tout le monde. Les rivaux, ils n’avaient pas le droit. Hélios, c’en était un. Ce petit saligaud de Novice. Il avait bien évidemment choisi la voie des guérisseurs. Bien évidemment. Ce serait trop facile de l’éloigner d’elle, sinon. Il ne pouvait pas le laisser prendre sa place dans le coeur de la Guérisseuse, il ne le laissera pas faire.

Il trancha la jugulaire d’un lapin avec rage. Si cela ne tenait qu’à lui, il aurait déjà effectué ce geste sur le gamin. Sauf que non, il ne pouvait pas se permettre de faire cela. Ce serait tout bonnement… indécent. La Troupe le renierait, et que serait-il sans sa famille ? Et sans La ? Il ne serait rien, il ne serait plus rien. Il ne vit que pour protéger La et la troupe. Et sans ces deux choses, et bien… Et bien il ne serait qu’une carcasse vide errant sans but précis. C’était pour cela qu’il ne l’avait pas encore achevé. Et pis, la Troupe avait besoin de Guérisseurs. Mais bon, elle pourrait très bien s’en trouver un meilleur plus tard. Hélios n’était qu’un bon à rien, il était même pas foutu de se battre sans ne plus savoir respirer. Pauvre enfant, il devait vraiment se sentir nul.

Il revint au camp, ruminant toujours le fait que le gamin essayait peut-être de draguer La pendant son absence. La réserve était presque vide et il était déjà midi. Il soupira. Heureusement que la chasse avait été bonne, ce matin. Il déposa donc ses nombreuses proies fraîchement tuées sur les autres cadavres qui traînaient encore là. Il se tourna, décidant d’aller rendre visite aux Aînés qui n’étaient pas touchés par ce mal rouge, encore trop présent. Sauf que, oh. Mais quelle chance il avait aujourd’hui, dites donc ! Qui se tenait là, devant lui ? Oh. Mais il semblerait que ce fût le petit Hélios ? Oh. Venait-il donc manger ? Probablement. Trïco sourit. Le gosse allait repartir bredouille. Depuis quand méritait-il de manger ce qu’on lui rapportait gentiment alors qu’il n’avait rien fait pour ? Il ne servait qu’à soigner les quelques petits bobos des chasseurs et laissait La faire tout le travail à sa place, il la laissait s’épuiser avec la maladie seule, la laissait chercher un remède seule. Il n’avait pas le droit de manger. Qu’il allât prendre une de ses petites herbes ! Ou bien, qu’il partît chasser, ça ne lui ferait pas de tort, faible comme il était.

« Tu penses sérieusement avoir le droit de manger, alors que d’autres sont en train de crever sur leur nid de mousse à cause de cette maladie ? »

Il s’assit entre le Novice et le tas de gibier.

« Si tel était le cas, tu vas être déçu. Retourne aider La, rends-toi utile, pour une fois. »

Il battit furieusement de la queue. Ce gosse n’allait pas manger le fruit de son travail acharné, destiné à plus méritant que lui. Il en était hors de question.