He's too different • Feat Luny

Ça faisait quelques temps qu’elle était libre, qu’elle pouvait faire autre chose que d’attendre que les jours passent. Parce qu’il fallait savoir que Nuage Existentiel - ou Seringa - détestait rester immobile à rien faire. Elle avait toujours besoin de bouger, de dépenser cette boule d’énergie qui se déversait dans tout son corps, dans tout son être. Et elle avait dû rester dans la tanière du guérisseur du Clan du Vent trop longtemps à son goût, ce qui faisait que maintenant, elle sortait toujours. Elle se mêlait à toutes les patrouilles possibles et elle s’entraînait avec son mentor, Fleur de Braise. Oh.. Fleur de Braise. Elle adorait son mentor, peut-être un peu trop. Rapidement, leur relation était devenue bien trop intense, passionnée. C’était une relation amour-haine puissante qui explosait quand personne ne les regardait. Le type de relations dans lequel se foutait toujours la novice.

Elle se souvenait, elle se souvenait tellement de Yucca, de sa soeur. Sa tendre soeur qui était même la raison pour laquelle elle avait dû être prise en charge par les guérisseurs et pourquoi elle se retrouvait maintenant dans un Clan, parce que dans une énième dispute, les choses avaient trop dérapé. Et que Yucca avait trouvé la mort. Et qu’elle-même l’avait frôlé. Mais elle avait survécu. Elle portait encore les traces de cette bataille. L’histoire véritable n’était connue que d’elle. Personne d’autre qu’elle savait ce qui s’était réellement passé cette nuit-là, non. Et c’était bien mieux ainsi, ça ne changerait pas. Elle ne comptait pas le révéler. Ça ne servirait à rien, de toute façon, d’en parler. Ça ne ferait pas revivre sa soeur. Yucca lui manquait. C’était un manque qui ne s’en irait pas, encore moins lorsqu’on considérait le fait que la raison pour laquelle sa soeur était morte, c’était elle tout simplement. Elle avait tué sa soeur et elle n’allait pas dire que ça la réjouissait. Non, elle l’aimait sa soeur. Elle l’avait toujours aimé. Peut-être un peu trop, certes, peut-être pas comme elle aurait dû l’aimer, parce que c’était sa soeur, mais elle l’aimait et elle continuait aujourd’hui de l’aimer et de s’en vouloir de ce qui s’était passé. Elle ne pourrait jamais se pardonner.

Ce qui ne venait pas l’empêcher de se retrouver encore une fois emmêlée dans une relation toujours aussi toxique. Faut croire que c’était Nuage Existentiel qui était toxique. Peut-être que c’était le cas, mais elle refuserait de l’admettre à voix haute, c’était déjà un grand pas de se le dire dans sa tête. Elle ne viendrait pas à l’accepter et le dire aux autres, qu’elle était toxique. Déjà, faudrait peut-être que ceux autour d’elle comprennent qu’elle n’était pas celle qu’elle prétendait être et que le mensonge l’entourait. C’était fréquent, de sa part, de mentir. Elle venait presque à y croire à ses mensonges. Comme quand on lui demandait si ses blessures lui faisaient encore mal. Elle répondait systématiquement par la négative, parce qu’elle voulait pouvoir bouger, faire autre chose, ne pas rester statique indéfiniment. Elle n’était pas capable de ne rien faire et elle savait que si elle admettait avoir mal, on l’empêcherait d’assister aux patrouilles. Elle avait pour habitude d’oublier la souffrance des marques. Elle le faisait très régulièrement, ce n’était pas sa première bataille, pas du tout. Ça arrivait bien souvent avec Yucca, ses parents les disputaient constamment à ce sujet. Ça avait juste été plus violent, cette fois et ça avait très mal fini. Trop mal fini.

Elle était déjà levée et entièrement réveillée quand Fleur de Braise était venue la voir pour lui dire que c’était le temps de partir en entraînement. Elle était déjà entièrement prête à faire autre chose que de rester sur place et elle avait été bien heureuse que son mentor lui dise qu’une partie de sa journée sera bien occupée. C’était comme ça qu’elle était, Nuage Existentiel. Fleur de Braise lui avait annoncé qu’aujourd’hui, c’était un entraînement de chasse et la novice avait rapidement compris comment fonctionner la posture. Elle était douée et rapide à comprendre, à apprendre. Ce n’était pas un obstacle pour elle. L’obstacle, c’était la patience que la chasse demandait. Bien qu’elle soit appliquée, ses muscles démangeaient pour bouger. Mais elle réussit à prendre sur elle pour attraper plusieurs proies. Elle savait que Fleur de Braise était satisfaite, peut-être même bien fière de son apprentie qui, sans être née dans le Clan, était déjà en parfait état et à même de nourrir le Clan. Nuage Existentiel était un élément fort du Clan et elle avait en tête de faire en sorte que la meneuse soit bien heureuse d’avoir accepté sa présence. C’était bien parti.

Elle était alors rentrée au camp avec Fleur de Braise après avoir chassé encore un peu. Les deux tenaient des proies dans leur gueule. Ça avait été une partie de chasse bien productive. Elle était contente, l’apprentie. Elles se dirigèrent vers le tas de gibier pour poser les proies, ce qui était totalement logique à bien y penser, elles n’allaient pas les garder dans leur gueule non plus. Nuage Existentiel leva les yeux au ciel à sa pensée. Elle se demandait déjà ce qu’elle allait faire du reste de sa journée, parce qu’il lui fallait toujours faire quelque chose. Parfois, ça l’épuisait, mais elle n’y pensait pas trop non plus. Souvent, elle pensait à Yucca. Parce que Yucca lui manquait vraiment, vraiment beaucoup. Elle aurait tout donné pour que sa soeur soit encore avec elle. Elle se demandait aussi ce que Acanthe devenait. Elle n’avait aucune nouvelle de son frère, elle ne l’avait jamais vu même depuis qu’elle avait été pris par le Clan du Vent. Il s’était envolé, volatilisé, peut-être même qu’il n’était même plus en vie et il lui manquait, lui aussi. Elle espérait le retrouver, un jour. Parce qu’elle tenait quand même à lui, même si elle était tellement plus proche de sa soeur que de son frère.

Elle se tourna vers Nuage de Citron quand elle l’entendit venir et Fleur de Braise les laissa seuls. Elle l’écouta parler. Elle devait bien admettre que la perspective d’aller se poser dans la tanière des guérisseurs et de parler ne l’enchantait guère, parce qu’elle voulait juste bouger, sortir, chasser, patrouiller et potentiellement penser au travers de tout ça. Mais elle n’allait pas décliner cette demande, parce qu’il faisait seulement son travail. Il était apprenti guérisseur et il devait s’assurer de son état de santé, surtout qu’il faisait ce que son mentor lui avait demandé aussi. Elle hocha la tête et se dirigea avec lui dans la tanière des guérisseurs. Elle lui adressa un gentil sourire. Elle avait entendu dire qu’il était différent. Elle n’avait pas plus poser de questions.

« Je vais bien et mes blessures guérisseut bien, je pense. Tu n’as pas besoin de t’attarder sur moi. Oh, comment vas-tu toi ? »

Parce qu’elle se le demandait bien. Les guérisseurs vivaient en retrait dans une tanière où seulement les blessés et malades venaient, des chats dont ils devaient prendre soin. Et qui prenait soin d’eux ? Personne. Alors elle voulait bien être celle qui prenait soin de Nuage de Citron. Au moins, un peu. Au moins, quelqu’un à qui parler. Parce qu’il ne devait pas avoir beaucoup de personnes avec qui entretenir une véritable conversation. Alors pourquoi pas lui offrir cette personne ? Elle pouvait bien prendre sur elle quelques instants pour entretenir une conversation et arrêter de bouger et tourner en rond un peu.