Feat Rayayay

Putain c'est la guerre !
On a cassé nos tours d'ivoire
Moi qui l'ait connu qu'au travers des livres d'histoires
J'veille sur la famille, c'est vrai, nos parents s'font vieux

Des immigrés. Voilà ce qu’ils étaient devenus. Des chats sans foyer, demandant asile à leurs ennemis. Avaient-ils le choix ? Il y avait eu, certes, cette douce illusion d’une décision possible : la mort ou la fuite. Mais à quoi servait la mort, sérieusement, si c’était pour leur laisser au final le territoire ? Le combat n’aurait eu qu’une seule et même issue : la défaite des Embrumés. Alors Trïco avait parlé. Il avait choisi, sans vraiment choisir. Il avait préféré la vie sans honneur à la mort aux côtés de leurs ancêtres, voilà tout. Il n’aimait pas ce choix. Enfin. Choix, joli mot. Il n’aimait pas cet exil forcé. Il devait avouer que c’était finement joué par ces chats sans valeurs, nommés les Escogriffes. Très finement joué.

Il essayait de satisfaire leurs hôtes. Il chassait pour eux, enfin, d’abord pour La, mais beaucoup pour eux aussi. Il n’osait pas dormir dans le camp. Il leur avait demandé, à ces Inondés, de leur donner hébergement, mais c’était principalement pour les Mères, Petits et Novices. Oui, les Novices avaient besoin d’être entraînés, pour récupérer ensuite notre territoire.
Et notre honneur.

Et le voilà qui était déjà parti chasser au petit matin. Il ne dormait plus sur ses deux oreilles, maintenant qu’ils étaient partis. Il avait peur que la fourberie de leur ennemis ne fût caché dans cette illusion d’altruisme. Qu’est-ce qui leur garantissait qu’ils ne seraient pas assassinés dans leur sommeil ? Ils avaient toujours été ennemis, pourquoi cela devrait-il changer ?
Ou bien les rumeurs étaient vraies. Les Inondés voulaient que les Embrumés fusionnèrent avec eux. Mais jamais ! Ils pouvaient bien aller se faire voir ! Jamais il ne se battrait pour la cause de ces gens qu’il avait appris à détester depuis sa plus tendre enfance, jamais il n’acceptera de ne faire qu’un avec cette bande d'assoiffés de pouvoir ! Les mentalités ne changeront jamais ! Ce n’étaient que des descendants de Wyl : égocentriques et obsédés par le contrôle.

Il revint à leur foutu campement avec quelques proies. Il les déposa toutes, excepté un joli lapin blanc. Il aimait bien les lapins blancs et, quand il en avait l’occasion, il les donnait à La. Elle avait besoin de reprendre des forces. Elle avait tant à faire, elle qui devait s’occuper des deux troupes. Mais il voyait qu’elle n’était pas bien, depuis qu’elle était arrivée ici. Elle ne semblait plus que l’ombre d’elle-même. Peut-être était-ce à cause de la disparition de cette guérisseuse, il n’en savait trop rien. Il la forçait simplement à manger, il lui racontait deux-trois choses pour lui changer les idées, tenter de voir un sourire se dessiner sur son visage. Mais elle allait mal. Très mal. Et il n’arrivait pas à l’aider.
Peut-être que le seul moyen était de partir d’ici.

Il lui dit bonjour, la força à manger, encore, lui parla un peu, et puis, il repartit chasser. Il faisait cela tous les matins. Chasser. Lui donner sa nourriture du jour. Chasser. L’après-midi ça restait variable. Soit il prenait un ou deux novices de sa troupe avec lui lors de la chasse – il n’osait pas s’occuper de classes. Ils n’étaient là que temporairement, et puis, il avait moyen envie d’entraîner ces félins qu’il ne connaissait pas vraiment comme s’ils faisaient partie d’une seule et même troupe.

Il sortit du camp, bien décidé à chasser, quand quelqu’un l’appela. Il tourna la tête. Fiáin. Oh. Quelle bonne surprise. Enfin, tomber sur n’importe quel membre de l’Embrumée était une bonne surprise à ses yeux, mais cet allié de taille l’était encore plus. Trïco savait qu’il pourrait compter sur ce chasseur le jour où il sera temps de reprendre leurs terres, le plus tôt possible, donc. Du moins, il espérait. « Oui ? Que se passe-t-il ? » Peut-être qu’il voulait simplement le saluer, mais on était jamais trop certain, autant d’abord prévoir le négatif.

On veut pas être là-bas, on veut juste être autre part
Enfin respirer comme le lendemain d'un cauchemar