steady we ride, silhouette flying over the grass ♞ Petit Rapace

Le soleil pointait à peine le bout de son nez, ses rayons transperçaient avec difficulté la brume qui parcourait les terres de CerfBanc, et en particulier la lande et son fin voile blanc opaque. La patrouille de l’aube venait de partir, et sans doute était-ce également le cas chez les autres Clans. Au moins, la journée s’annonçait belle pour le moment, digne de la saison des feuilles vertes, même si l’air était encore assez frais ce matin-là. En tout cas, dans le camp du Clan du Vent, on voyait une petite bête grise argenté déjà sur le pas de guerre. Il était réveillé avant tout le monde, et un regard acéré de sa mère, Miel Givré, l’avait dissuadé de sauter sur ses frères et sœurs pour les réveiller brutalement. Le petit chat léopard avait alors roulé des yeux, lâchant un soupir plus qu’exagéré avant de sortir de la pouponnière. Cela faisait trois lunes qu’il était dans le Clan, et il s’y sentait chez lui, même s’il avait beaucoup de mal avec beaucoup de coutumes. Comme le respect des plus vieux, par exemple, ou encore et surtout… Ne pas sortir du camp. Ah ça, qu’est-ce qu’il aimerait sortir et aller à nouveau sentir le vent frais sur sa fourrure, gambader au milieu des lapins et jouer avec eux aussi… Rien que d’y penser, le félin frémissait d’excitation. Mais il fallait qu’il attendît deux lunes encore. C’était ce qu’on ne cessait de lui répéter, et il en avait plus qu’assez.

Ce matin-là, Petit Sanglier harcelait les guerriers, comme à son habitude, sautant sur le dos d’Écho Silencieux par ici, traînant dans les pattes de Lune de Cristal ici, ou traquant la queue de Regret du Faucon quand celui-ci prenait son petit déjeuner. À force, les adultes étaient soit habitués, soit las… soit franchement énervés. Mais il suffisait de regarder les petits yeux bleus de la bête pour se sentir coupable de l’avoir engueulé. Bref, c’était une matinée comme les autres. Sauf que cette fois, voir tous les grands sortir du camp sans lui, c’était la goutte de trop. Il fallait qu’il y allât à son tour. Alors, Petit Sanglier partit se cacher dans un des buissons du camp, observant les alentours. Quand il se fut assuré que personne ne le regardait et que toutes les patrouilles étaient parties, il fila rapide comme l’éclair en dehors. Il courut aussi vite que ses petites pattes le lui permettait. Enfin, ça allait, il n’était plus si petit que ça, non ?! Une fois dehors et le camp hors de portée de vue, le gamin exulta. Il était dehors ! À l’extérieur ! Enfiiiin ! Tellement heureux, le chaton courut un instant et fit une roulade, avant de courir et d’effrayer un petit rongeur qui passait par là. Il connaissait un minimum le territoire, puisqu’Écho Silencieux et lui l’avaient traversé quand il était encore petit et que son papa l’avait trouvé aux Quatre Chênes. Tiens… À quoi ressemblaient-ils, maintenant qu’il avait grandi ? Il avait peut-être dépassé les grands arbres, maintenant, non ? La bête léopard les chercha du regard et les aperçut sans trop de mal. Peuh ! Qu’est-ce qu’ils étaient petits, là-bas. Il n’en ferait qu’une bouchée. Décidé, Petit Sanglier partit les rejoindre. Par chance, le soleil était désormais voilé et le temps était gris, comme le petit chat et le sol sur lequel il était. Autrement dit, il bénéficiait d’un camouflage hors pair, qui ferait rêver tous les chats roux du clan qui passaient pour des boules de feu au milieu de la lande.

Le trajet se déroula sans encombre, heureusement. Le félin argenté atteignit les arbres sacrés et leur clairière sans croiser personne. Encore heureux ! Il avait fait attention, le bougre. Il savait qu’il était en mission périlleuse, parce que tomber sur un adulte signifiait revenir à la case départ, or, il n’en avait absolument pas envie. Il resterait dehors pendant des jours s’il le pouvait ! Il fronça les sourcils. De toute façon, même si une fois arrivé au camp, il se faisait prendre, il s’en fichait. Ce serait pas grave, il aurait fait ce qu’il voulait. Le petit chat trotta dans la clairière majestueuse, s’approchant du premier chêne venu. Il était si graaand ! Il posa ses pattes avant sur le tronc, levant la tête vers les branches les plus hautes. Ah ouais, quand même !

« Je vous dépasserai tous un jour, dormez tant que vous le pouvez ! »

Oui oui, le chaton parlait bien à… un arbre. Une plante. Il était bien vivant, non ? De toute façon, Petit Sanglier était comme ça, à sauter sur tout ce qui bougeait.