It's where my demons hide ~ Avec Byby

It's where my demons hide

Plic, plic. La pluie tombe et les gouttes s’écrasent dans les flaques. Tout est trempé. Mon pelage aussi. Mais ce n’est qu’une averse, ou bien un orage. Ça va bientôt s’arrêter, et la nuit va tomber. Moi, je marche. Lorsque je marche je ne pense plus à tout ça. Tout ce à quoi j’étais attaché, ma vie entière qui s’est écroulée tout autour de moi. Pourtant, je ne peux m’empêcher d’y songer, souvent. Mais ce n’est pas de ma faute, je ne veux pas y penser moi. Ça revient toujours. Les cris, les pleurs, le sang. Maintenant, je suis seul. Je sais à peine chasser pour me nourrir seul, et je suis trop faible pour passer une saison dans le froid. Heureusement, j’ai encore quelques lunes devant moi.

Enfin si j’arrive à survivre d’ici là. Il y a des prédateurs, renards, blaireaux, et d’autres chats qui peuvent me tuer. Heureusement, je ne vais pas me fourrer dans ce genre de situations. Quoique, depuis une lune que je vis dehors, je les provoque, ces situations. Je fais pas vraiment exprès, ça arrive juste comme ça, je fais pas les bonnes rencontres et je suis toujours obligé de fuir loin. Sinon je finis en chair à corbeau et c’est pas très marrant. Même si j’ai survécu, ça risque de pas durer longtemps. La vie, c’est pas si cool que ça finalement. C’est même pas cool du tout. C’est souvent triste. Mais c’est mieux que ce soit majoritairement triste.

C’est vrai, si ça l’étais pas, comment saurait-on quand ce serait joyeux ? Tout serait morne et monotone. Là, c’est triste et plat, mais si quelque chose de joyeux arrivait, alors je serais le plus heureux. Même si ce n’est qu’une petite chose. Les autres ne comprendront pas pourquoi je suis si heureux pour des choses qui semblent futiles. Mais au moment de mourir, ils le regretteront. Ils se diront qu’ils auraient dû rire un peu plus. Qu’ils auraient dû profiter de chaque repas, parce que la vie qu’ils ôtent leur permettent de vivre plus longtemps. Les proies ne sont pas de simples objets, ce sont des êtres comme nous. Ils ont droit au respect.

Je m’arrête un moment. Il y a une flaque d’eau ici. L’eau aussi, il faut la remercier. Je remercie souvent le ciel de nous en envoyer avec les pluies. D’ailleurs la pluie a arrêté de tomber, et il ne reste plus que les nombreuses flaques par terre, qui vont servir à abreuver toutes les créatures comme nous, et aussi les arbres qui aiment beaucoup boire de l’eau et manger la terre. Enfin, c’est ce qu’on m’a dit. Moi, je ne sais pas. Je ne suis pas un arbre. Mais faut bien qu’ils bouffent, eux aussi. Et moi je n’ai pas très faim pour l’instant. Je me demande comment faire payer au monde leur connerie, mais je suppose que ce n’est pas possible. Pas de façon collective.

Individuellement, presque sans le faire exprès, de façon totalement involontaire de ma volonté consciente, je fais souffrir les autres. Je les détruis lentement. C’est pour cette raison qu’à présent, je préfère m’éloigner et me taire. Je ne suis pas mauvais au fond. Je regarde devant moi après avoir bien bu. Il y a quelqu’un. Je sens cette odeur, en plus de celle de la terre humide. Ce n’est pas un intrus ; ici, c’est moi l’intrus. Peu importe où je suis, peu importe où je vais. Je serai toujours un étranger parce que je viens de trop loin pour qu’on puisse comprendre. Étranger, c’est comme étrange. Et c’est étrange parce que c’est inconnu. Et c’est inconnu parce que ça ne vient pas d’ici.

Je reste immobile. Peut-être qu’on ne me dira rien et qu’on me laissera tranquille. Enfin, si je mets mon masque de petit ange. Mes griffes pourtant sortent et je suis en position défensive. On sait jamais. Je ne sais pas me battre, mais si j’y suis contraint, alors je le ferai. Après tout, je suis un démon, quelque part dans moi. Même si j’aimerais le contrôler un peu plus, parfois…