«À la mort a quelques bonheurs.» 

À la mort a quelques bonheurs

Avec Math'

Doucement, j’émergeai du sommeil. Doucement, mes yeux s’ouvrirent et se refermèrent comme s’ils ne souhaitaient pas que je me réveille et que je me lève. Et une impression désagréable me serrait le ventre. Et ça ne me plaisait pas. Mais alors là, pas du tout. Je détestai me sentir pas dans mon état normal et ouvrant les yeux, je soupirai. Je pris un long moment avant de m’habituer à l’éclairage et m’assis. La Terre et l’Eau m’avait parlé d’un changement. Ils m’avaient envoyé un « signe » parlant de changement. Mais quel type de changement? On ne m’en avait pas plus dis et je détestais cela. Je savais qu’il ne s’agissait pas de la mort de mon flambeau qui ne devrait pas tarder. Je ne savais pas comment je possédais la certitude que ça ne le concernait pas, mais c’était ainsi. Et je n’y pouvais rien. Mais j’espérais sincèrement que cela ne soit rien de grave. Nous n’avions pas suffisamment de guerriers et de novices pour une bataille voir même une guerre et ce sentiment ne me rassurait pas du tout.

«Je peux entrer? » fit une voix, me faisant sursauter.

J’humai l’air et reconnu l’odeur d’un novice de ma Troupe. Évidemment, il n’allait certainement pas être de la Troupe Inondée. On ne l’aurait pas laissé entrer et se diriger bien calmement jusqu’ici. Et j’eus un léger sourire. La voix incertaine du félin me faisait sourire. Tous les novices étaient comme ça, n’osant pas s’aventurer plus loin sans mon accord et hésitant même à me demander s’ils possédaient le droit de pénétrer dans ma tanière et je me souvenais du fait que j’étais ainsi, moi aussi, lorsqu’il s’agissait de venir s’adresser au meneur. Je ne connaissais encore aucun chat qui arrivait et entrait sans y être convié. Et s’il y en avait un qui faisait cela, il aurait tôt fait d’être congédié, car ils me devaient tous un respect, mais pas qu’à moi, à tous leurs aînées. Comme moi je faisais preuve de respect envers mes propres aînés. Parce qu’après tout, ce n’était pas parce que j’étais désormais à la tête de la Troupe que je possédai le droit d’être un tyran impoli qui menait sa Troupe à sa perte, droit dans un mur de glace si condensé qu’elle ne pouvait être brisée. Je demandai au chaton qui grandissait rapidement d’attendre un peu et entrepris de me faire une toilette rapide pour être présentable. Lorsque cela fut chose faîte, je me relevai, me mis sur mes quatre pattes et regardai en direction de l’entrée à ma tanière.

«Entre.» miaulai-je doucement.

Sans attendre, je vis Kiny vivant sur la Lune entrer de sa démarche qui se faisait toujours hésitante. C’était une belle chatte au pelage blanc et au regard bleu et elle avait un caractère bien apprécié également. Elle était discrète, attentionnée, travaillante et plus encore. Bien sûr, personne n’est parfait, alors elle avait ses quelques défauts, mais je n’y prêtai aucune attention, tant qu’elle demeurait d’une loyauté à toute épreuve envers la Troupe, cela me suffisait. Aujourd’hui, alors qu’elle se tenait debout face à moi, je voyais dans ses yeux une tristesse infinie. J’aurais tant aimé pouvoir apaiser cette souffrance que je percevais et sentais en elle, mais je n’étais pas celui qui était capable de faire cela. Malheureusement. D’un signe de la tête, je l’invitai gentiment et avec un sourire également, à me dire la raison de sa visite. Après tout, nous ne pouvions demeurer en silence, à se dévisager alors que j’avais des devoirs et elle aussi. Je la vis balayer le sol de son regard qui s’était emplis de larme et soupirer, puis inspirer comme pour prendre son courage. En fait, c’était ce qu’elle faisait et je pouvais le sentir. Elle prenait son courage à deux pattes pour pouvoir m’annoncer la nouvelle qui l’amenait ici.

«V-vôtre flamb-b-beau est m-m-mort…» bégaya la novice, la tristesse lui nouant l’estomac.

Mon flambeau était également celui qui l’entraînait. Son mentor et je ne pouvais que comprendre la douleur qui la prenait désormais à l’annonce de la mort de celui-ci, mais il fallait s’y attendre. Weyj courant à travers la Brume était atteint du mal vert et rare était ceux qui s’en sortaient. Mais cette nouvelle m’attrista. Il était un flambeau extraordinaire, hors pair et je ne savais pas qui aurais-je pu prendre pour le remplacer. La chatte sentit ma tristesse et vint se frôler à moi. Je lui fis un petit sourire et lui touchai la truffe du bout du museau. C’était elle qui était le plus touchée par cette disparition et pas moi. C’était elle qui avait besoin de soutient, pas moi. Moi, j’avais des tâches à remplir. Avec toute la compassion possible et imaginable, je l’invitai à aller rejoindre la dépouille du flambeau. J’allai loin dans nos terres et me mis à creuser longuement un trou. Je vis la novice me rejoindre au bout d’un moment. Elle m’aida silencieusement à creuser ce trou et lorsque je jugeai qu’il était assez profonde, je l’envoyai chercher le corps du défunt. Ensemble, nous l’enterrions. C’était une tradition depuis que j’étais à la tête de la Troupe.

Nous restâmes là, longuement, à réfléchir et à veiller le corps. Aucun de nous ne parlait et puis, la parole n’avait pas sa place dans cette situation. Moi, je réfléchissais aux raisons qui Les avaient poussés à reprendre ce flambeau qui remplissait si bien ses fonctions et me questionnais sur son successeur possible. Qui avait le profil que j’attendais? Je passais longuement en revu tous nos chasseurs et je finis par trouver. Et je savais que mon choix ne s’attendait certainement pas à devenir flambeau. Lorsque l’aube se leva, je me fis de même et adressai un signe respectueux à la chatte qui décida de rester encore un peu, pleurer sa perte. Je ne pouvais rien faire pour elle si ce n’était la laisser faire son deuil.

Je rentrai au camp et lançai un regard circulaire à l’activité qui commençait déjà à avoir sur les terres. Je soupirai légèrement. Maintenant, j’avais une tâche longue et ardue à faire qui allait me faire faire le tour de toute la Troupe. Après avoir secoué ma tête en tentant moi-même de me donner le courage nécessaire pour accomplir ma tâche, je me dirigeai vers la grotte des chasseurs. Je regardai les chasseurs qui dormaient toujours et fini par apercevoir celui que je cherchais. Ezno. Pour la première fois depuis l’annonce, un sourire fin se dessina sur mes babines et j’allai le secouer doucement avec ma truffe humide et froide.

«Réveille-toi et suis-moi» murmurai-je.

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À la mort a quelques bonheurs

Avec Math'

Je sentis l'étonnement et l'incapacité d'y croire de mon futur flambeau. Ezno n'était pas celui auquel on s'attendait que je choisisse pour succéder au défunt, mais c'était celui que je désirais. Et je me trompais rarement. Toutefois, je pouvais très bien imaginé la surprise qu'il avait de voir son meneur le tirer d'un sommeil bien mérité. Ce meneur à l'air grave et aux yeux embrumés encore d'une certaine tristesse assombris par les devoirs qui s'y profilent. Je le soutirais d'un sommeil qui devait sans aucun doute est reposant sans qu'il ne puisse deviner la raison. Comment aurais-je réagis à sa place? Comme lui, sans aucun doute. En tentant de parler à celui me réveillant, en tentant de comprendre malgré la brume du sommeil entourant obstinément mon esprit.

Il avait bégayé un bonjour, totalement impressionné par ma présence qui n'était guère fréquente dans ce lieu, mais je n'avais point répondu contentant de sortir de la tanière. On ne devait pas réveiller les autres et discuter dans cet endroit n'était point envisageable. Il m'avait suivit et c'était mieux ainsi. Qu'aurais-je fait s'il ne m'avait pas suivit? Je n'en avais strictement aucune idée. J'étais persuadé que c'était lui, le parfait flambeau et j'espérais ne pas me tromper. L'ancien meneur s'était-il trompé en me choisissant? Je l'ignorais. Je faisais du mieux que je pouvais pour mener à bien ma Troupe, mais était-ce réellement ce qu'il fallait à ma Troupe? Encore une fois, la réponse n'était pas entre mes mains.

Pourquoi fallait-il que je me pose autant de question en ces moments? Peut-être était-ce le message que m'avait fourni la Terre et l'Eau qui n'avait été point clair. Ils avaient parlé d'un changement, mais rien de plus précis et cela me perturbait. Quel changement se profilait-il dans l'air? Un soupir vint décédé sur mes babines et je levai la truffe en l'air. Je finis par m'arrêter lorsque je décidai que nous étions suffisamment loin du camp et des oreilles quelques peu indiscrètes puis me retournai vers Ezno.

Je sentais une pointe d'inquiétude serré le cœur de ce chasseur. Je pouvais aisément deviner qu'il se demandait ce qui se passait pour que moi, le meneur, vienne le réveiller, l'arracher du sommeil bienfaisant que l'on recherchait souvent, et l'ammène si loin du camp. Se demandait-il dans quel but tout ça arrivait? Ou avait-il seulement hâte de rentrer au camp poursuivre son somme?  Je secouai la tête. Trop de questions volaient dans ma tête et je ne m'étais pas tout à fait remis de ce choc tant prévisible suivant la mort de mon ami et aussi flambeau.

«Merci de m'avoir suivi malgré l'heure. Ezno, durant mon sommeil, la Terre et l'Eau m'ont envoyé un message. Un message assez perturbant, je ne peux que l'avouer. Ils parlaient de changement proche. Mais sans rien préciser d'autre. J'ai assez peur que la Troupe ne soit pas suffisamment forte pour traverser ce changement vu son manque évident en effectif. De plus, ce matin, à la belle heure, notre flambeau a succombé à la maladie. » miaulai-je.

Je pris une pause dans mon monologue. Mon ton n'appelait à aucune réplique et le chasseur devant moi semblait bien l'avoir compris en demeurant dans le silence. Son regard posé sur moi semblait dire "Où cela mène-t-il?" et je ne pouvais que comprendre. Je ne venais que de le mettre en contexte et comment pouvait-il comprendre pourquoi je lui parlais du message que la Terre et l'Eau avait décidé de me livrer? Une profonde inspiration. Je la pris. Il me fallait terminer mon récit. Si je pouvais appeler cela ainsi.

«Puisque notre flambeau est mort, j'ai longtemps cherché à savoir qui pouvait lui succéder. Qui avait le meilleur profil? Il me semblait qu'aucun chasseur ne l'avait et je désespérais. Si la Troupe devait faire face à un énorme changement, il lui fallait au moins un flambeau. Et finalement, mon choix s'est posé sur toi. Je ne pourrais expliquer pourquoi, mais c'est ainsi. Alors, Ezno, serais-tu prêt à accepter toutes les obligations et les devoirs que constitue la place de flambeau?» achevai-je dans un souffle.

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