Chasse et bagarre [PV Sombre Nuit]

Les rayons du soleil caressaient le pelage de Sombre Nuit, réchauffant tout son être. La jeune chatte traquait du gibier depuis le matin, et deux lapins grassouillets avaient déjà été pris. Pour une fois, aucune pensée lugubre ne venait gâcher la joie de la guerrière, sa journée était parfaite. Elle rampa sous un buisson en entendant un frétillement discret, et le fumet appétissant d'un rongeur lui chatouilla les narines. Une proie de plus ne ferait sans doute pas de mal à son clan. Sombre Nuit se tapit au sol. Malgré l'énergie qui parcourait ses pattes, elle souhaitait bien s'épargner une course de plus. La chasseuse s'approcha à pas de loups de sa proie, qui était si occupée qu'elle ne remarqua même pas le danger qui la guettait. La chatte noire bandait ses muscles, prête à bondir, lorsqu'un brin d'herbe lui chatouilla le museau. Elle feula, dépitée, en voyant le gibier fuir à cause de son éternuement.

Tant pis. Je ne pourrais apparemment pas m'éviter de course supplémentaire.

Sombre Nuit s'élança, rapide comme l'éclair, à la suite de sa proie, laquelle dévalait la pente menant aux Quatre Chênes. La chatte noire s'immobilisa un instant à son pied, déroutée par les senteurs boisées qui lui parvenait du territoire du Clan du Tonnerre. Mais elle retrouva vite la trace du rongeur, et jaillit des buissons, confiante. Ce ne fut pourtant pas le fumet de la proie, mais la puanteur du Clan du Tonnerre qui envahit ses narines. Elle tourna la tête, effarée, et se retrouva nez à nez avec un guerrier adverse. Ce dernier fit un bond en arrière, surpris, et gonfla sa fourrure comme pour paraître plus imposant. Sombre Nuit se retint de reculer d'un pas. Elle ne voulait pas avoir l'air effrayé.

« Tu peux pas regarder où tu vas quand tu chasses ? » Cracha-t-il.

La jeune chatte fut étonnée, elle ne se trouvait donc plus sur son territoire? Elle huma l'air et fronça le nez. La frontière devait se trouver juste sous ses pattes. Les guerriers du Tonnerre  se hérissaient-ils vraiment pour si peu? Elle se lécha la patte, faisant fit de l'impatience du félin noir et blanc, et le fixa dans les yeux.

<< Je suis désolée, mais on ne va quand même pas faire d'histoire pour ça, si? Regarde, je m'en vais. >>

Elle recula, bien décidée à partir, mais ne put s'empêcher de lâcher.

<< De plus, tu es quand même un peu empoté, de m'avoir fait rater ma proie comme ça. >>

Sombre Nuit entendit le matou ennemi pousser un miaulement féroce et le vit bander ses muscles, comme pour se préparer au combat.
Stupide chatte va, s’insulta-t-elle intérieurement. Pourquoi faut-il toujours que tu la ramènes au mauvais moment ?
Sa confiance fondit comme neige au soleil. Elle n’était vraiment pas d’attaque. Tous les muscles de son corps la faisaient souffrir, la faute à sa journée de chasse. Comment pourrait-elle vaincre ce chat, qui sous sa finesse apparente cachait sûrement des muscles d’acier ? C’était tout simplement impossible. Sombre Nuit se dit qu’elle pourrait toujours essayer de partir. Elle s’en allait déjà, ses pattes foulant le sol terreux des Quatre Chênes pour retourner sur son territoire, lorsque le félin noir et blanc ouvrit la gueule et articula, tout tremblant de rage :
« Il faut dire que ce n'est pas moi qui ai effleuré un branchage pour faire fuir ma proie, bouffeuse de lapin ! »
La chatte noire se retourna aussitôt. Elle n’avait jamais vraiment eut l’intention de provoquer la bagarre, mais là, c’en était trop. Ce commentaire, venant d’un de ses camarades, aurait été terriblement blessant. Mais de la part d’un guerrier ennemi, il était juste insultant, et elle brûlait maintenant de lui arracher la fourrure. Son pelage se hérissa sur son échine, et pour une fois elle n’essaya pas de le remettre en place. Ce chat tenait-il vraiment à déclencher une bataille ? Elle plissa les yeux, pendant que le matou bicolore poursuivait, tendu :
« Si tu ne sais pas chasser, autant retourner sur ton territoire. »
Une flamme s’alluma dans les yeux de glace de la chatte, tandis qu’elle détaillait son ennemi. Ce dernier s’acharnait apparemment à se détendre, mais n’y arrivait pas. Maintenant, ce n’était plus une question de frontière non respectée. Pour la guerrière, c’était devenu une affaire personnelle. La tension était palpable, et le combat semblait inévitable. Le guerrier du Tonnerre se redressa. Sombre Nuit savait que maintenant, ils allaient se battre, pourtant elle tenait à l’asticoter un peu d’abord. Et puis elle voulait se venger de sa remarque.
« Ah bon, mon petit bouffeur d’écureuil, railla-t-elle, parce que tu sais chasser toi ? Ou alors tu es tellement inutile à ton clan qu’il t’envoie ici, afin que tu ne sois pas dans les pattes des vrais guerriers toute la journée ? »
Elle s’approcha de lui d’un pas déterminé, et colla sa truffe à la sienne, avant de planter son regard dans le sien. Elle lui cracha dessus, dévoilant ainsi une rangée de crocs blancs, parfois jaunâtres. Ses griffes sortirent, sa queue fouetta rageusement l’air. Elle fit un pas en arrière et émis un feulement, dans lequel elle essaya de mettre toute la rage et tout le mépris qui bouillonnaient en elle à cet instant.
Tu vas te faire démonter, chantonna une voix dans sa tête.
Mais Sombre Nuit s’en fichait. Le coup de patte partit tout seul.