Tu n'es donc pas mort ?!

Tout était possible, à ce qu'on disait. On m'avait toujours dit ça, lorsque j'étais petite. Et on avait continué à me le dire en grandissant. Mais parfois, il y a bel et bien des choses qui sont impossibles, ou du moins, qui devraient l'être. Parce que c'était ainsi que le monde avait été créé, et non l'inverse. Alors pourquoi, maintenant, à cette seconde précise, je me trouvais ici ? Ici, c'était là ou mon frère et moi nous nous tenions, lorsque nous étions encore que des jeunes chatons. Nous n'avions jamais été proche, mais nous avons compris la définition du mot "affection". J'aimais mes souvenirs, mais je ne captais toujours pas la raison de ma présence. Car j'avais l'impression qu'une chose sortant de l'ordinaire allait arriver. Ou du moins, une chose qui n'aurait pas dû arriver. Car je m'attachais et m'attacherai à tout jamais à une cause perdue, il fallait que je m'y fasse à l'idée, bien entendu... mais cet endroit regorgeait de vie. Beaucoup plus qu'à son habitude.

La brume. Le brouillard. Des mots. Je ne comprenais rien. Je ne comprenais toujours rien. Qui parlait ? Où étais-je ? Qui étais-je même ? Et puis je savais, avant d'oublier de nouveau. Un hurlement. J'avais peur. J'avais terriblement peur parce que je ne comprenais pas ce qu'il se passait. Aucune notion du temps. Et puis le calme. Le calme que j'attendais depuis tant de temps, le calme associé à une pâle lueur. Un lieu. Une pouponnière. Une troupe. Eléa chantant la Brume. Voilà mon nom. Défunt meneur de la Troupe Embrumé, voilà mon titre. Voilà mon identité. Je savais maintenant. Je me trouvais près de la tanière des mères. Un rêve, cela ne pouvait être que ça. Je ne savais pas. Je ne pouvais même pas dire pourquoi il n'y avait personne, où je me trouvais auparavant. Étais-je mort ? Cela me semblait plausible. J-entre dans la tanière. Surprise. Ma sœur y est. Je ne m'y attendais pas du tout.

Ancre? C'est bien ... toi?

J'ai entendu sa voix. Je me retourne aussitôt. Je n'en crois pas mes yeux, c'était bel et bien lui. Les larmes me coulent aux yeux. Je n'y peux rien. Je ne peux point les empêcher. Et elles coulent, telle une chute se déversant dans un lac. Mais ce ne sont que de simples larmes. Simples larmes, peut-être, mais elles signifient tant pour moi, pour mon histoire. Pour notre histoire. À mon frère et moi. Et ce qui concernait mon frère était important pour moi. En ce moment, plus rien ne comptait. Parce qu'il était là. Le temps et l'espace semblait s'être arrêtés. Il était vivant. Si cela, ce n'était pas la preuve que tout peut arriver, je ne savais pas ce que c'était. Surtout avec lui. Avec lui, tout avait toujours semblé réel, vrai. Et encore plus maintenant. Je m'avance doucement vers lui. Tranquillement. Parce que je ne souhaitais en aucun cas bousculer ce moment. Il était si précieux pour moi. C'était comme le renouveau. Et je comptais bien en profiter.

« Oui, c'est moi. Mon frère, tu ne peux pas savoir à quel point tu m'as manqué... La famille n'arrête pas de s’agrandir. Comment as-tu fait pour... revenir ? »

C'était bien elle. Ancre. Ma sœur. Je l'aimais tant. Pourquoi tout me semblait vide ? Elle pleurait. Je ne voulais pas la voir pleurer moi. Je ne comprenais plus rien, le hurlement ne quittait pas mes oreilles et pourtant, lorsqu'elle s'approcha doucement de moi, j'en fis autant pour pouvoir venir me coller contre elle, en recherche de chaleur, d'affection. De sa présence. Je ne savais pas pourquoi j'étais là. Ni où je me trouvais avant. Par la Terre et l'Eau, pitiez. Je la regardais. Mon regard était affectueux. Comme toujours lorsque je la regardais. Pourquoi notre mère n'était-elle pas là ? Il me semblait que quelque chose n'allait pas entre notre mère et nous. Tout me semblait désagréablement étrange.

"Tu m'as manqué aussi.. tellement. Je ne sais pas. Où étais-tu pendant tout ce temps ?