look what you do to me ; you always wanna take me down with you ₪ Baie d'Oranger

J’aurais aimé que ma vie ne soit qu’un rêve, comme ce dont je viens maintenant de sortir, un rêve ou plutôt un cauchemar duquel il aurait une fin, parce qu’on se réveille toujours au bout d’un moment. On se réveille toujours d’un cauchemar, en tout cas, ceux dont je parle, parce que sinon, je peux très bien dire que je vis un cauchemar et de celui-ci, je ne vais certainement pas me réveiller, genre vraiment pas, je suis condamné à endurer pour toujours la famille dans laquelle je suis très malheureusement tombé, et ça me fait pas plaisir, mais vraiment pas plaisir. Oh, je sais que vous allez dire que j’exagère mais non, pas du tout ! J’ai une mère totalement folle et tarée dont je ne veux strictement rien savoir, mais qui continue de me tomber sur les nerfs, de m’harceler, m’insulter, et regardez mon nom ! Petit Monstre. Sérieusement ? C’est comme ça qu’une mère digne de ce nom appelle son enfant ? J’crois pas non, déjà le nom de ma soeur a beaucoup plus de sens que le mien ! Petite Marguerite. Elle a le nom d’une putain de fleur et moi j’ai quoi ? Le nom de quelque chose dont on rêve ou que l’on devient. Oh, j’aurais toutes les raisons du monde de devenir un monstre avec une famille pareille. Et mon frère, il s’est fait appelé Petit Meurtrier. Mais il a pas l’âme d’un meurtrier, pas du tout, il est un suiveur, un mouton. Elle aurait bien fait de l’appeler Petit Lâche, ça aurait eu beaucoup plus de sens.

Mais ça fait longtemps que j’ai compris que les noms ne veulent rien dire. Regardez. Ma mère. Baie d’Oranger. Elle aurait mieux fait d’être appelée Baie Folle. Parce qu’elle est totalement cinglée, raide dingue, son cerveau a totalement et entièrement grillé. Je vous assure. Et moi, ça m’épuise, parce que je suis le seul sain d’esprit dans tout ça et je dois tenter de m’en sortir, de vivre jusqu’à mes six lunes avec une famille pareille, avec une mère pareille et sans le moindre moyen de m’en échapper parce que les chatons doivent rester dans le camp et qu’elle peut me trouver tellement facilement dans le camp pour me faire chier, me tomber sur les nerfs, me rendre fou. C’est sûrement ça, son but, me rendre aussi fou qu’elle, comme Petite Marguerite qui a hérité de sa folie. Oh, elle peut bien l’aimer notre mère, elle est aussi folle qu’elle ! J’en ai marre, je vous jure que j’en ai marre, je veux de la putain de normalité de merde, quelque chose de calme, de gentil, une vraie conversation. Mais j’ai ma famille qui me colle au cul. Et je sais que je suis un peu vulgaire, mais faut me comprendre merde. Je suis juste un chaton et déjà, on me fait chier. J’ai pas de chance moi, je vous le dis, j’ai pas de chance du tout. J’aurais drôlement aimé en avoir de la chance.

Oh, je sais que je suis pas le pire, hein, je dis pas que je dois être plain à tout pris, que personne a vécu plus intense que moi, que personne peut avoir plus mal que moi et tout ce tralala que l’on risque de me sortir si je décide de faire part de mes pensées. J’ai pas mal, faut pas croire, je suis juste totalement lessivé, excédé, épuisé de la famille qui est la mienne, de cette folie de merde dont je peux pas m’extraire parce que faut croire que la famille c’est putain de sacré. Et bah, je suis pas dans la merde moi hein ! Si la famille est sacrée, je veux bien mourir dans des flammes pour avoir pêché et l’avoir insulté, parce que sérieusement, je ne compte pas du tout arrêter. Je me tape de la famille. En tout cas, de la mienne. Parce qu’elle est nulle à chier, carrément. J’assume ce que je dis. Je pourrais le hurler en grimpant sur le plus haut des arbres, grimper sur le promontoire et le dire à tous les chats de l’Assemblée si j’en avais l’âge, je m’en foutrais totalement parce que j’assume.

Oh merde. Je pense que y’a ma mère. Ah oui, je reste loin de ma mère pendant que je dors, à l’opposée d’elle dans la pouponnière, vous pensez quand même pas que j’allais dormir contre elle ? Vous êtes fous ! Bref. Je ferme les yeux, je fais comme si je dormais. Je veux pas qu’elle soit là, qu’elle vienne me voir. Je dors, maman, dérange-moi pas. Je dors. Tu aimerais toi, qu’on te dérange pendant que tu dors ? Je pense pas. Si j’ai le malheur de décider que je te dérange pendant que tu es bien profondément ancré dans un sommeil, je pense que ma tête servira de repas aux corbeaux, n’est-ce pas ? Alors viens pas me déranger, je dors très bien, je rêve. C’est merveilleux. Je ne suis pas ton fils, dans ce rêve. Enfin, je ne dors pas vraiment, mais je fais semblant hein.