Les patrouilles... décidément, cette activité devenait une grande passion pour Lune de Marbre qui passait tout son temps en dehors du camps ces derniers temps. La féline commençait d'ailleurs à en avoir marre de faire toujours la même chose, patrouiller et ne rien trouver de bien intéressant, même croiser d'autres chats du Tonnerre serait une aubaine tant ce calme pesant dans la forêt l'ennuyait ces derniers jours. M'enfin, c'était quand même mieux que de rester au camps à regarder les chatons jouer ou les adultes se prélasser au soleil… au moins dehors on était tranquille. Enfin… Presque. Elle n'avait pas été la seule à avoir été chargée de patrouiller, ses compères l'accompagnaient le long du Chemin du Tonnerre, plutôt calme d'ailleurs aujourd'hui, et tant mieux ! Poil de Rouille, et Colosse du Désert... deux guerriers aguerris avec qui elle devait accomplir sa petite mission quotidienne, et deux avec qui elle n'avait jamais vraiment prit la peine de discuter. Peut-être qu'aujourd'hui ça arrivera ? La guerrière elle-même n'en était pas sûre, préférant déjà rester dans son coin à rêvasser et réfléchir. Mais à quoi ? Rien d'intéressant ne semblait vouloir pointer le bout de son nez aujourd'hui, comme chacun des jours précédents. Oh c'était d'un ennui !

Quoi qu'il en soit, par cette belle soirée paisible, Lune de Marbre patrouillait avec ses compères, marchant dans son coin, marquant parfois le territoire et fourrant sa petite truffe partout où quelque chose semblait un minimum intéressant, à la recherche de quelque chose qui puisse la sortir de son ennui. Un bruissement dans les fourrées, une odeur, n'importe quoi... mais finalement, la chatte fini par soupirer bruyamment et donner un petit coup de patte dans une petite pierre qu'elle envoya plus loin. Les patrouilles alors, quel ennui !

Ce soir là le ciel était violet. Le soleil déclinait lentement et les arbres frissonnaient sous un vent humide qui annonçait une pluie à venir pour la nuit. Très peu de chats étaient assez fou pour oser s’aventurer sur le territoire du clan de l’ombre. Aussi, les patrouilles se faisaient moins nombreuses que dans les autres clans, et les rares qui avaient quand même lieu ne servaient généralement qu’à déranger des corbeaux. L’été, le gibier abondait, et les clans ennemis ne venaient pas chasser sur les terres de l’ombre, les moins fertiles des quatre.

Poil de Rouille, grand guerrier fin et musclé, en général très bon chasseur, avait pourtant été désigné ce soir pour intégrer la patrouille de surveillance, dont il n’avait pas l’habitude de faire partie. Cela lui était égal. C’était une tâche nécessaire qu’il exécuterait avec fierté. Il était accompagné pour cela de deux chats adultes avec qui il n’avait pas beaucoup l’habitude de discuter. Dans le clan, il était plutôt seul ou alors avec les mères et leurs chatons, à leur raconter des histoires à dormir debout, ou bien encore à aider certains mentors avec leurs apprentis en attendant avec hate le jour où il aurait le sien... ou bien enfin, il partait chasser dans les marécages. Il connaissait parfaitement ces étendues de flaques meurtrières qui enlisent les chats les plus imprudents. Il connaissait les passages sûrs, les chemins dans l’eau sombre où le bourbier était plus ferme, et savait où les tapis de mousses cachaient en réalité des trous de plusieurs mètres de profondeurs remplis d’eau noire et de branchages. Cette zone qui avait l’air si hostile grouillait pourtant de cachettes où grenouilles, rats et serpents aimaient se reposer, et où des chats ennemis pouvaient facilement se glisser en rampant jusqu’au camp des chats de l’ombre. C’était un risque qu’il ne fallait pas courir, alors après avoir longé le chemin de feu où les monstres bruyants et lumineux se couraient après, Poil de Rouille proposa en argumentant

« Je n’ai décelé aucune odeur hormis celle des monstres, je pense qu’on devrait aller jeter un oeil au marécages. Je connais tout les chemins sûrs, c’est mon lieu de chasse préféré. » Dit-il en faisant une pause près du fossé sableux pour s’étirer, l’arrière train en l’air et les griffes sorties. La météo idéale par cette soirée de belle saison le fit bâiller lentement, et ses crocs étincelèrent un instant avant que le matou s’assoit sur son postérieur et secoua les oreilles d’un air nonchalant « Enfin c’est comme vous voulez, mais si j’étais un espion du tonnerre je passerais par les marécages plutôt que le chemin de feu pour atteindre notre camp. »

Quelque chose dans sa voix insinuait que dans tout les cas, si les deux compagnons refusaient, ils passeraient pour des idiots, et ainsi Poil de Rouille leur força le choix habilement et sans une once d’autorité. C’était une de ses manies, et cela fonctionnait souvent. Il aimait prendre les devants, mais ordonner aux autres directement des consignes ne lui plaisait pas. Les ordres implicites, ça c’était pour lui.
De toute manière, Poil de Rouille avait assez confiance en ses capacités et ses connaissances, et c’était avec sûreté qu’il affirmait que les marécages étaient le meilleur lieu où patrouiller.
Alors que les autres lui répondirent il se releva et fit quelques pas pour aller renifler un buisson de houx qui bouchait le fossé, et d’où une effluve de cadavre en décomposition remontait. Mince, c’était effectivement un rat mort, il aurait presque confondu cette odeur avec celle du clan du tonnerre... Pensa-t-il en riant silencieusement. Puis son attention se reporta sur ses deux compagnons qu’il jugea d’un regard distant et doux, attendant qu’ils se décident.

Alors que la jeune chatte inspectait les buissons aux alentours, espérant malgré elle trouver une odeur suspecte qui annoncerait enfin le début d’évènements intéressant pendant lesquels elle pourrait enfin s’amuser et pourquoi pas prouver sa valeur au Clan de l’Ombre, elle fut surprise de trouver un mille patte grimper sur son museau. Ah beurk, c’était vraiment moches ces machins. D’un petit coup de patte, elle enleva l’animal qui se retrouva plus loin dans les feuilles et soupira. Une si belle soirée, calme et paisible, mais aussi terriblement ennuyeuse… elle savait que ce n’était pas très correct de penser ça, surtout pour une guerrière, mais une petite altercation ou ne serait-ce qu’une rencontre avec le clan ennemi, ce serait déjà ça de prit dans cette soirée. De plus, les deux matous avec qui elle se trouvait être n’avaient pas l’air très bavards, et elle n’avait aucune envie de passer la soirée à patrouiller avec eux sans rien faire d’autre, ce serait à mourir d’ennui et surtout très peu productif, tout ce qu’elle détestait.

La femelle se posa alors deux minutes, le temps de faire sa toilette et de lustrer son beau poil sombre qui se fondrait bientôt parfaitement dans l’obscurité de la nuit, dès que la lune qui se lève aurait surpassé le soleil qui, de ses rayons rougeâtres, ne faisait qu’éclairer son pelage et le chauffer doucement. Lune de Marbre aurait tellement pu profiter de cette soirée pour faire autre chose que patrouiller avec deux matous qui avaient l’air très peu intéressants, elle aurait pu faire ses petites affaires dans son coin sans personne pour la déranger, mais elle avait été mise de patrouille. Pff… cependant, son attention fut piquée par ce vieux guerrier, Poil de Rouille, qui prit la parole en proposant d’aller voir ailleurs et en expliquant d’une manière qui piqua l’intérêt de la femelle. Tient donc. Elle avait déjà vu faire le guerrier de loin à de nombreuses reprises et avait apprit plutôt rapidement à bien cerner son petit fonctionnement qu’elle trouvait à la fois minable et fort intéressant. Sérieusement, ce genre de proposition qui impliquait indirectement un ordre… quand c’était dit d’une manière suffisamment habile, c’était intéressant et redoutablement efficace. La chatte prit une seconde pour le regarder de haut en bas et faire ses petites déductions. Ses propos, ses griffes sorties, sa carrure et sa manière d’agir… ce petit vieux avait l’air sacrément sûr de lui, sûrement un vrai leader dans l’âme. Enfin, ce n’étaient que des suppositions. Mais elle était douée en analyse et savait reconnaître un leader quand elle en voyait un, il fallait dire que son esprit vif la trompait rarement. Intéressant… La féline se lécha la patte gauche et se décida à prendre la parole, d’un ton calme et sûr d’elle

- Bonne idée en effet, mais bon à mon avis il ne faudra pas s’attendre à trouver beaucoup de monde là bas, déjà qu’ils ne sont pas fichus de mettre une patte devant l’autre sans trébucher, comment veux-tu qu’ils s’en sortent dans les marécages ? Mais écoute on a du temps à perdre, alors faites comme vous voulez, peut-être qu’on pourra attraper notre repas de ce soir si on a de la chance et un peu de talent

C’était pour elle le meilleur choix de réponse possible. Elle ne voulait pas lui montrer qu’elle le suivrait comme un mouton devant son bipède, et tenait clairement à rajouter son avis, avec un soupçon de sarcasme. Sans doute qu’elle se prenait trop la tête par rapport aux conversations qu’elle entretenait avec ses compères de clan, enfin si cela pouvait s’appeler une conversation. Aussi, la jeune chatte reposa sa patte à terre et leva les yeux vers son compagnon de clan, plantant son regard dans le sien d’un air plutôt froid et fermé. Bon au moins elle ne pouvait pas se plaindre, ce chat s’avérait peut-être un peu intéressant, restait à voir avec l’autre là, Colosse du Désert. Quitte à passer une partie de la soirée, autant qu’elle s’occupe un minimum non ? Aussi, elle se releva et s’étira longuement en agitant sa queue de gauche à droite avant de s’ébrouer pour enlever les quelques brindilles qui s’étaient déposées sur son pelage lors de ses petites fouilles dans les buissons. Elle baissa les yeux et vit un petit scarabée lui grimper sur la patte, aussi elle leva cette dernière et l’agita pour faire tomber le petit être au sol. Elle le poussa d'un petit coup de patte et releva les yeux vers Poil de Rouille, qui avait décidément l'air bien sûr de lui, avant de rajouter

- De toute manière, non seulement il n’y a aucune odeur suspecte ici mais en plus il n’y a rien à chasser, comme toujours près du Chemin du Tonnerre. On aura en effet probablement plus de chance dans les marécages, qu’en dis-tu Colosse du Désert ?

Elle se tourna vers le concerné et attendit sa réponse en passant sa patte derrière son oreille pour se la nettoyer, peut-être un peu impatiente de quitter cette zone pour passer à autre chose de, elle l'espérait, plus intéressant. A ce stade, il lui en fallait peu pour se divertir...

La féline semblait déjà ailleurs. A peine avait-elle demandé son avis au jeune matou qu'elle semblait déjà presque se désintéresser du son avis et son opinion. Après tout, Poil de Rouille et elle étaient tombés d'accord non ? Durant leur petit début de patrouille, elle avait prit le temps de regarder ce jeune guerrier et en avait tiré la conclusion qu'il avait l'air sacrément rêveur. Sa théorie se confirma lorsqu'elle le vit hocher la tête machinalement quand elle lui demanda son avis sur le fait qu'ils aillent dans les marécages plutôt qu'ici, sur ce bon vieux Chemin du Tonnerre. Jusque ici, elle fut contente de voir, que la proposition du plus vieux de la bande aille à tout le monde. Au moins elle pourrait se changer un peu les idées? Néanmoins, son semblant de joie qui était apparu semblait déjà disparaitre quand Colosse du Désert changea d'avis d'un coup et proposa d'aller ailleurs, près de la portion d'arbre. Allons bon... La femelle haussa un sourcil et se rassit aussitôt, son langage corporel étant plutôt clair quant au message à comprendre ; elle était déjà moins d'accord et ne voulait pas bouger suite à cette proposition. Non... elle préférait largement l'idée des marécages. Mais peut-être que les arguments du matou seraient intéressant alors autant l'écouter ? Lune de Marbre recommença sa petite toilette et leva les yeux vers son compère

- Tu penses ? Honnêtement, les grenouilles ne me dérangent pas, surtout que les souris et mulots... on en a vite fait le tour mine de rien. En plus le soleil commence à se coucher, les renards ne vont pas tarder à rappliquer pour avoir leur butin aussi. Je trouve cette idée un poil dangereuse personnellement. Non et puis même sans parler de chasse, bien que ce soit une partie nettement plus intéressante, il faut avant tout penser stratégie vis à vis de notre patrouille. Le sphinx a raison, on aura plus de chance de surprendre des ennemis là bas. Enfin après c'est sûr que je te force pas, Colosse du Désert, mais bon je sais pas, je suis pas forcément convaincue par cette idée

C'était plutôt bizarre de se dire que même si elle venait de le contredire et désapprouver les plans du matou par pur esprit logique et pratique, c'était aussi presque par fierté car elle, et l'autre vieux là, avait dit que ce serait une bonne idée d'aller aux marécages alors que lui venait à l'instant de refuser. Aïe, déjà ça commençait avec son petit ego qui ne supportait pas d'être contredit. Après évidemment que son ego passerait après sa logique et que si d'un point de vue stratégique les arbres semblaient mieux alors elle suivrait malgré tout. Mais là ce n'était sûrement pas le cas. La féline regarda le jeune chat en face d'elle et prit le temps de réfléchir une seconde. Puis elle rajouta en offrant un léger sourire presque complice à son interlocuteur

- Toi qui a passé tout le début de la soirée à être dans la lune et à nous suivre comme un mouton sans poser de questions, je ne m'attendais pas à ce que tu t'opposes à notre proposition. Je pensais que tu allais juste suivre comme tu le faisais depuis le début de la patrouille. Tu es sûr que ce n'est qu'une question de grenouilles ? Ou il y a autre chose qui te tracasse ?

Sa voix n'offrait aucune moquerie, ou aucune froideur. C'était un ton parfaitement neutre, d'une chatte ayant fait sa petite analyse et posant son hypothèse en attendant de voir si elle allait se confirmer. Oh évidemment elle se fichait bien de savoir si le matou allait bien ou non, peut-être qui s'ils étaient un peu plus proche elle aurait vraiment été inquiétée mais là elle voulait juste lui tirer les vers de la truffe pour savoir si elle avait bien raison de penser qu'il y avait autre chose. Aussi, en attendant sa réponse, Lune de Marbre prit carrément la liberté de se coucher dans l'herbe en profitant des derniers rayons de soleil lécher son pelage qui commençait déjà à refroidir. Mine de rien, elle qui était si frileuse, les marécages n'allaient pas forcément arranger les choses... Mais bon, elle serait ensuite bien au chaud dans son petit coin dans le camp, avec un sommeil bien mérité, peut-être le ventre plein, et surtout le prestige et le mérite d'avoir ramené quelque chose avec ses compères. Elle qui voulait être cheffe, il fallait bien qu'elle se distingue, non ? Certes elle avait son cerveau, mais elle n'était pas forte du tout physiquement, au contraire. Alors ses réflexes et sa souplesse l'aideraient sûrement à la chasse pour grimper les échelons. C'était d'ailleurs pour ça qu'elle voulait presque délaisser cette patrouille futile et inutile.

Du coin de l'œil, la chatte regarda furtivement son compère Poil de Rouille pour connaitre sa réaction, ayant bien envie de savoir comment le grand chat allait interpréter ce refus soudain d'aller  aux marécages. De plus, c'était lui qui avait proposé en premier, allait-il se sentir outré ou au contraire allait-il bien le prendre ? Peu importe sa réaction, elle serait probablement intéressante. Sans un mot, elle reposa de nouveau ses prunelles claires et parfaitement impénétrables sur le principal concerné, Colosse du Désert, tandis que son oreille droite tressaillit légèrement sous une petite brise qui lui arracha un frisson

Tenez donc.
Voilà que la réponse de Colosse du Désert s'opposa aux attentes des deux autres chats. Poil de Rouille n'avait pas porté une très grande attention à ce matou depuis le début de la patrouille, mais maintenant son regard était plus scrutateur. Il ne dit rien un moment en écoutant les paroles de la minette, dont le comportement très prône à juger l'agaça.

"Toi qui a passé tout le début de la soirée à être dans la lune et à nous suivre comme un mouton sans poser de questions, je ne m'attendais pas à ce que tu t'opposes à notre proposition. Je pensais que tu allais juste suivre comme tu le faisais depuis le début de la patrouille. Tu es sûr que ce n'est qu'une question de grenouilles ? Ou il y a autre chose qui te tracasse ?"

En l'entendant dire cela, le matou s'avança près d'elle pour imposer sa taille et sa force. Il avait remarqué tout comme elle le changement d'état de Colosse du Désert, mais contrairement à Lune de Marbre qui voulait tout savoir de la vérité et le tannait déjà pour l'obtenir en posant des questions jugées presque indiscrètes par Poil de Rouille, celui-ci respectait simplement la décision de Colosse du Désert. Dans son esprit, c'était les chats qui osaient le moins parler qu'il fallait écouter en priorité. Il coupa alors Lune de Marbre dans son élan et, ayant prit le rôle du meneur lors de cette patrouille, il prit une voix ferme et trancha.

"Arrête de l'embêter Lune de Marbre. Si il ne veut pas aller aux marécages on ne l'y forcera pas. Dois-je te rappeler que même si nous avons l'occasion de chasser ce n'est pas notre priorité ? Comment pourrais-tu sentir le danger si tu avais une souris pleine de sang dans la gueule ? Tu ne sentirais rien. Alors nous irons vers les arbres, comme tu l'as si bien dit il y a des renards, peut-être pourra-t-on dénicher un de leurs nids pour tuer leurs petits. C'est cruel je sais, et peu recommandé parce qu'ils sont dangereux, mais nous sommes trois, je suis sûr qu'il n'y aura aucun dégât. De plus, je préfère que ce soit les leurs qui meurent plutôt que les nôtres. Pas toi ?"

A vrai dire il n'attendait pas vraiment de réponse. Ce fut d'un bond puissant, qui laissa des traces de griffes dans le sol, que Poil de Rouille passa au dessus du fossé qui les séparaient du sous-bois. Il s'engouffra avec agilité en baissant la tête entre des buissons de houx, et déboucha sous l'abri d'un pin aux branches basses dont le sol était recouvert d'aiguilles brunes. Cela lui piquait les coussinets. Il n'aimait pas tellement cette sensation. C'était un habitué des marécages, des terres boueuses, de la tourbe, de la mousse. Il fallait le reconnaître, malgré son apparence il avait les coussinets fragiles. Presque ironique pour un chat de ce gabarit. Mais il ne fit en aucun cas la chochotte. Il se redressa et huma l'air en se concentrant, faisant quelques pas sur le tapis aiguilleux en direction d'une pente raide d'où venait le plus d'odeurs variés. Il ne sentait pas vraiment de renard, mais le vent portait dans sa direction l'odeur d'humidité, de terre retournée, de bipèdes qui avaient dû passer la veille...

Quand les deux autres l'eurent rejoins, il leur jeta un bref coup d'oeil avant de lancer, d'une voix plus basse pour se faire plus discret

"Plus un bruit, je passe devant. Restez à l'abri du vent et essayez de voir si vous sentez des renards ou des blaireaux. Et attention dans la pente, elle s'effrite."

Effectivement, Poil de Rouille n'eut pas fait trois pas en s'engageant dans la descente abrupte que déjà un morceau de terre sableuse se déroba sous sa patte avant. Une chance que son équilibre ne lui fit pas défaut, il remercia sa queue d'être attachée à lui, sans ça il n'aurait jamais pu entreprendre cette descente sans finir en roulades.
Après quelques minutes, il arriva le premier en bas, et de nouveau il entreprit les mêmes gestes que sous le pin. Il s'arrêta et leva le museau en humant l'air, la gueule entrouverte. Le vent commençait à se lever et charriait de nombreuses odeurs, toutes s'emmêlaient et devenaient difficilement reconnaissable. Peut-être aussi que Poil de Rouille n'avait pas le meilleur odorat du clan. C'était sûrement cette raison qui l'avait conduit au début de sa vie de guerrier à chasser dans les marécages. Les grenouilles n'ont presque pas d'odeur, alors il s'était entraîné à les dénicher de mille et une manières différentes.

Il se tourna vers ses camarades qui finissaient de descendre. Peut-être que l'un d'eux sentirait mieux que lui une piste à suivre. La clairière était assez grande, et il ne savait plus tellement dans quel coin aller pour dénicher des renards. Il n'y avait aucune trace récente, ni bruit suspect, alors on sortait un peu de son domaine de compétence. Toujours d'une voix basse il demanda :

" Alors, vous sentez quelque chose ?"

La guerrière attendait avec impatience la réponse du jeune guerrier pour commencer à vraiment l'analyser, quand Poil de Rouille décida de s'en mêler et s'imposer en contrariant la féline qui l'écouta parler en cachant un air méprisable qu'elle lui aurait bien fait voir. Son ego fut piqué quand il parla de la sorte et son sang ne fit qu'un tour quand elle n'eu pas la chance de rétorquer. Il était déjà partit. Lune de Marbre fronça les sourcils et planta ses griffes dans le sol, venant transpercer une feuille à terre qu'elle déchira soudain sous la colère. Oh le petit... !! Mais si pendant l'espace d'une seconde la guerrière semblait contrariée d'avoir été coupée de la sorte, elle se calma bien vite et inspira un petit coup en se relevant et en suivant ses compères sans un mot. Ça ne servait à rien de s'énerver, elle se contentera de lui faire payer ça tôt ou tard. Tandis qu'elle marchait au milieu des arbres, sa fierté lui criant se déchiqueter ce guerrier qui semblait de nouveau vouloir jouer les leaders en passant devant, elle la fit taire tant bien que mal en souhaitant à Poil de Rouille de tomber dans la pente. Mais finalement ils arrivèrent tous en bas et son oreille se dressa quand elle écouta le guerrier poser sa question. Lune de Marbre soupira alors et leva les yeux au ciel en voyant là une occasion de se venger. Sérieusement ? Tu parles d'un leader. Non seulement il osait lui faire la morale et s'imposer contre sa volonté "gngngn arrête de l'embêter, gngngn dois-je te rappeler que gngngn tu sentiras rien gngngn je suis le chef GNGNGNG" mais en plus il n'était pas fichu de réfléchir plus que ça dans un endroit où il les avait lui-même tiré. Tss. Il fallait dire que sa mauvaise foi et son ego biaisaient un peu son jugement vis à vis du guerrier, et elle en était parfaitement consciente. Sa petite idée en tête, la féline s'avança finalement d'un geste nonchalant et lança d'un ton faussement gentil, qui sonnait d'ailleurs très méprisant et sarcastique au fond, comme si elle voulait imiter le félin quand il lui avait fait sa remarque

- Allons Poil de Rouille comment veux-tu que l'on sente correctement au milieu de cette pagaille d'odeurs différentes ? Si un danger s'annonce, on le sentira trop tard, notre sens de l'odorat ne nous aidera pas tant que ça ici. Réfléchis deux minutes, c'est du bon sens, quitte à être ici autant bien faire les choses tu ne penses pas ?

Oups, peut-être pas si agréable que ça à la fin. Mais peu importe, la chatte passa alors devant, frôlant le pseudo leader et le devançant en passant sa queue sous son museau en le fouettant légèrement. Son faciès ne trahissait aucune colère ou quoi, même son regard semblait parfaitement neutre. Hors de question de trop se laisser gouverner par ses émotions, ce serait une grossière erreur dans cette situation.

D'un geste agile et parfaitement contrôlé, Lune de Marbre sauta sur un arbre, plantant ses longues griffes dans l'écorce et trouvant son équilibre en soupirant d'un air presque dédaigneux à l'égard de ses compères à qui elle n'avait pas donné l'occasion de protester. La féline commença alors à grimper, agilement, balançant sa mongue queue de gauche à droite et cessant de respirer le temps de passer devant un filet de sève dont l'odeur était trop forte pour elle, qui avait coulé et s'était entassé entre une branche et un trou creusé par un écur.... oh... un trou d'écureuil... la chatte s'immobilisa et tendit l'oreille, satisfaite en entendant ce qui semblait être les dents du rongeur frapper une coque, sûrement de noisette ou autre. Elle coupa de nouveau sa respiration, et s'avança lentement vers le trou. Quelles étaient les chances qu'elle arrive à le tuer ? Très minces, c'était sûr. Au pire elle n'aurait qu'à le faire tomber pour que les deux idiots en bas le tue. Son plan établit, Lune de Marbre s'avança davantage et jeta un oeil dans le trou, le temps d'apercevoir l'animal et d'engouffrer sa patte dans son abri, toutes griffes dehors. Malheureusement, l'écureil avait sentit sa présence et évita sa patte avant de sortir en vitesse du trou, zut ! Lune de Marbre fronça les sourcils et, sans abandonner, poussa un grand coup sur ses pattes arrières pour se propulser vers sa proie en tendant sa patte avant, lui assénant un violent coup et le faisant tomber à terre, légèrement assomé. La chatte sourit en se raccrochant à l'écorce et en retrouvant son équilibre tant bien que mal, satisfaite de son coup, et s'en remit aux autres pour le reste. Elle sauta sur une branche et serra soudain les crocs en constatant que tout cela avait réveillé sa douleur à sa patte arrière, lui arrachant un léger grognement de douleur. Raah... Mais au moins elle était sur sa branche remercia la nature de lui avoir offert ses griffes et son agilité lui permettant d'être aussi à l'aise dans les arbres. La féline s'avança légèrement et s'allongea en regardant aux alentours, la branche était pile à la bonne hauteur pour avoir une vue dégagée et ne pas se faire gêner par les autres arbres aux alentours, c'était parfait ! D'en haut, on voyait aisément tout ce qui se passait autour, et rien ne semblait bouger à part les deux matous au sol, ouf... Lune de Marbre se releva et s'apprêtait déjà à descendre quand un mouvement attira son attention en périphérie. Le coeur de la guerrière sembla louper un battement quand elle tourna la tête et aperçu un renard adulte sortir des fourrées, un peu plus loin. Et surtout trop loin pour percevoir son odeur avec précision. Raah zut alors ! Bon. Elle se tourna vers ses compères et descendit de quelques branches pour leur chuchoter, à deux mètres du sol environs

- J'ai vu un renard adulte, je crois qu'il se dirige vers nous. J'ai aucune envie de l'affronter alors soit on fuit, soit on grimpe et on attend qu'il parte. Je n'ai pas vu de terriers aux alentours alors pas de risques de se retrouver bloqués si on grimpe

Son regard se posa sur Poil de Rouille à qui elle lança un air légèrement moqueur. Clairement ça allait être dur de respecter ce guerrier désormais. Elle haussa un sourcil et lui adressa un léger mouvement de tête en tirant une tête qui se voulait clairement méprisante

- Cher leader, ô grand Poil de Rouille, que décidez vous ? Notre sécurité est entre vos petits coussinets, nous attendons votre décisions

Tient tu veux des responsabilités ? En voilà. Dans les deux cas elle le loupera pas pour critiquer ses talents de "leader" et le remettre à sa place cette petite cervelle de moineau.

Lune de Marbre, la rancoeur incarnée...