La vie ne vaut pas la peine qu'on la vive si on ne prend pas le risque de la perdre. Ft Akito :3

Songe d'Utopie regarda le paysage autour d'elle. La neige avait fondue ces derniers temps mais l'air demeurait frais. A chacune de ses respiration, de la fine buée blanche s'échappait de sa bouche. Il était encore tôt et la jeune guerrière était partie chasser, seule, comme à son habitude. Elle n'avait jamais aimé être accompagnée, n'ayant confiance en personne, elle préférait de loin sa solitude et elle s'y était très bien habituée.

La jeune féline promena son regard le long des arbres. Elle n'avait aucune envie de chasser et si elle était là, c'était seulement par obligation. D'ailleurs, cela devait maintenant faire une bonne heure qu'elle tournait en rond, sans rien faire. Elle n'avait aucune motivation, et elle aurait très bien put continuer sa marche toute la journée encore si ses devoirs de guerrière ne l'obligeaient pas à chasser et patrouiller tous les jours. Si elle le faisait, c'était seulement pour son clan, pas pour elle. En fait, elle avait depuis longtemps abandonné l'idée d'être heureuse un jour. Alors qu'est ce qu'elle faisait encore là ? Sûrement parce que au fond d'elle, elle savait que son clan comptait toujours sur elle. Et qu'elle espérait qu'elle pourrait un jour remonter la pente. Mais ça, elle ne se l'avouerait jamais.

Ses pas l'avaient menés jusqu'au Grand Sycomore, assise au pied de l'arbre et perdue dans ses pensées, elle n'avait toujours rien chassé. Poussant un soupir résigné, elle se leva mollement, sans véritable motivation.
Alors un léger bruit attira toute son attention. Elle tourna vivement la tête, sur ses gardes, et fixa les arbres. Désormais à l'affût, elle leva le museau, humant les parfums de la forêt. Mais le vent n'était pas en sa faveur et la jeune guerrière se demanda un instant s'il ne s'agissait pas d'un ennemi dissimulé. Impossible à dire pour le moment.
Silencieusement, elle se tapit au sol et rampa lentement vers la source du bruit qu'elle avait entendu un peu plus tôt.
C'est alors qu'elle le vit. Elle ne saurait dire s'il l'avait vu elle aussi. En tout cas, ce félin était un intru, et elle comptait bien le faire dégager d'ici. Elle ne l'avait encore jamais vu, sentant désormais son odeur, elle sut qu'il ne venait pas d'un clan, sans doute était-ce un solitaire. Mais la jeune guerrière se méfiait tout de même, il se pouvait qu'il sache se battre comme un véritable guerrier.

Il tourna alors la tête vers elle. Ses yeux marrons se plantèrent dans ceux, bleus pâles rendu gris par l'air du matin, de Songe d'Utopie. Le regard de celle ci était froid, ne trahissant aucune émotions, comme d'habitude. Le temps sembla s'arrêter quelques instant, où les deux félins se toisèrent en silence. Finalement, la petite femelle argenté pris la parole.

« -Qui es-tu et que fais-tu ici ? »

Simple, direct. Elle n'avait pas bougé d'un centimètre, sa voix était calme et elle fixait toujours l'intru dans les yeux, attendant une réponse.

La fraîcheur de l’air s’infiltrait dans les membres du vagabond en lui disant de bouger, en lui disant de faire autre chose que de rester figer dans l’espace et observer la neige qui, doucement, fondait. Le vent tourbillonnait autour de lui, semblant penser la même chose que la neige, semblant le penser paresseux, le penser un peu absent, et il était légèrement absent, bien loin dans ses pensées, bien loin dans ses idées, tandis que le monde ne prenait plus les teintes adéquates, prenant celles du passé. Déserté pour affronter les mensonges. Déserté pour comprendre que le monde n’est jamais noir ni blanc, mais qu’il tend vers le noir et que sans espoir, il n’y a plus rien. Il n’avait plus aucun espoir et ne désirait point retrouver cette lueur illusoire qui ne servait qu’à apaiser les cœurs. D’ailleurs, il prenait ce plaisir cruel à retirer cette lueur des âmes qu’il croisait, parce que cette lumière les protégeait des douleurs extérieures. Sauf que lui, il arrivait dans une vie et il n’était plus seulement extérieur. Il s’invitait dans les pensées des chats en trouvant leurs petits failles. C’était amusant. Amusant d’éteindre un regard, amusant d’accélérer un cœur pour le ralentir. Amusant d’être la source des larmes. Amusant simplement de détruire psychologiquement et non pas de tuer physiquement, de faire arrêter un cœur.

Il s’ébroua alors et passa sa langue sur sa patte avant, entama une petite toilette rapide pour lisser ses poils et paraître ne serait-ce qu’un peu plus noble. Peut-être qu’il devait se bouger, bouger ailleurs, mais ce n’était pas nécessaire. Il ne chassait pas beaucoup, il ne mangeait pas tant que ça, juste suffisamment pour ne pas être un squelette sur place, alors l’immobilité ne le ferait pas devenir un gros chat incapable comme beaucoup de domestiques dans les Villes. Parlons des domestiques. C’étaient les plus amusants, les plus faciles à manipuler, à torturer, à détruire, parce qu’ils vivaient dans leurs cocons, parce qu’ils vivaient dans des illusions. Détruisez les illusions, vous les détruisez. Ça plaisait à ce chat. Il avait fait de la Ville son endroit de choix au final. Il se plaisait bien dans ce lieu où il errait dans les rues, et s’arrêtait pour détruire les autres. Détruire les âmes, les voler, les aspirer. Il s’étira longuement, bâillant même, ses petits crocs blancs étincelant légèrement, illuminés par le soleil qui s’était bien levé.

La faim venait déranger son quotidien, venait déranger son immobilité placide. Ses yeux brillèrent tandis qu’il s’avança longuement, quelque part, là où l’odeur des chats était bien présente. Une odeur forte, assez imposante, piquante même et il reconnut celle de ceux qui se nommaient Clan du Tonnerre. Ils vivaient dans des boisés, et se battaient facilement à couvert. Akito finit par se tapir au sol en sentant l’odeur d’une petite souris et parvint à la chasser, la tuer, et la manger, tout en prenant son temps, parce qu’il ne voyait point de raison à ne pas prendre son temps. Lorsqu’il eût fini de manger son repas, calmant par la même occasion, il enterra la petite carcasse sous le sol qui dégelait de plus en plus. Lorsqu’une odeur encore plus évidente se fit sentir, le vent était en la faveur de ce vagabond démoniaque, il se figea. Non pas de peur, Akito n’avait aucune peur, mais seulement parce qu’il voulait voir. Voir la réaction de ce guerrier, ou cette guerrière, ou encore ce novice, à moins que ce ne soit un chaton intrépide ? Dans ce cas, Akito ne ferait plus gentil, plus doux. Il demeurerait cruel, mais c’était plus évident détruire un chaton, moins amusant, beaucoup moins de défi.

Il entendit l’autre s’approcher et se tourna donc la tête pour détailler ce chat qui venait le déranger, mais lui fournissait une occasion parfaite pour s’amuser. C’était une femelle. Encore mieux, au final. Encore moins qu’un mâle. Ou pas. Ça ne faisait aucune différence. Le vagabond plongea son regard verdâtre dans celui de la féline tandis que cette dernière parla, lui demandant de décliner son identité et la raison de sa présence en ces lieux. Pourquoi ne pouvait-il donc pas se trouver là sans qu’on ne vienne lui chercher des puces ? Il inclina la tête, un éclat de glace dans son regard, cette glace qui entourait son cœur, cette glace que son aura dégageait. Cette froideur particulière à ce vagabond. Que le jeu commence !

« Pourquoi me demander mon identité alors que toi, tu ne la déclines point ? Je ne vois, d’ailleurs, aucun intérêt à servir les raisons de ma présence en ces lieux. »

Les deux félins se jaugèrent en silence quelques secondes, si fixant dans les yeux. La réponse de l'inconnu ne plut pas vraiment à Songe d'Utopie, il avait parlé d'un ton froid. Légèrement agacée, elle ne laissa rien paraître et regarda son adversaire.

« -Je suis une guerrière du clan du Tonnerre, Songe d'Utopie si tu veux vraiment tout savoir. Tu te trouves sur mes terres et je te demande donc une fois de plus de m'expliquer ce que tu fiches ici. »

Sa queue bougeait de droite à gauche, trahissant son impatience. Elle fixait toujours le félin dans les yeux. La guerrière n'était pas reconnue pour son calme et sa patience, elle était plutôt impulsive au contraire, et réagissait très vite aux remarques. Elle savait d'avance qu'un combat était inévitable, elle sentait déjà la pression monter en voyant un parfait inconnu sur ses terres. De plus, le félin ne semblait pas vraiment décider à répondre à ces questions, ce qui avait le don de l'énerver. Au fond, elle se fichait un peu de savoir qui il était, elle voulait juste qu'il dégage et elle n'hésiterait pas à utiliser la manière forte pour y arriver.
Elle était déjà prête à passer au combat, restant sur ses gardes aux cas où se serait l'autre qui attaquerait le premier, bien que cela lui semble peu probable. Ses griffes étaient de sorties, elle était debout, à quelques mètres de l'inconnu, jugeant et analysant la moindre de ses réactions.
Elle réfléchissait déjà à une stratégie en cas de combat, en face d'elle, l'intru n'était pas très grand mais plus qu'elle quand même, il avait sans doute plus de force. Songe d'Utopie avait l'habitude de ce genre de combat, elle savait qu'elle devrait jouer sur sa stratégie et sa technique. Encore une fois, elle n'avait pas le droit à l'erreur.