Franchement, c’était vraiment pas drôle, ils pionçaient vraiment tout le temps ceux-là !

Petit Sanglier observait ses frères et sœurs, les yeux ronds. Il crevait d’envie d’aller les embêter - de jouer avec eux quoi ! Mais ils avaient une lune de moins que lui, résultat : ils étaient trop petits, apparemment. À cet âge-là, ils passaient leur temps à roupiller. Parfois, c’était vraiment plus fort que lui, il s’approchait de l’un d’eux discrètement, prêt à bondir, et tout à coup… Il voyait le regard assassin de Miel Givré. Ça calmait direct. Assassin, clairement elle ne lui aurait jamais fait de mal - ni même engueulé, eheheh, mais c’était juste dissuasif. Mais on déconnait pas avec ça, enfin, pas pour le moment. Fallait qu’il fût patient, un vrai challenge pour cette boule d’énergie. Il arrivait à prendre sur lui, mine de rien, incroyable hein ! Il trouvait vraiment des tas d’occupations - certains diraient conneries, mais c’était des mauvaises langues.

Le chaton gris sortit donc de la pouponnière en trottant. Il n’était pas vexé, il avait su par avance que sa tentative était vouée à l’échec. Il avait simplement tenté, histoire de s'échauffer un peu. En fait, il avait un tout autre projet en tête. Il fit donc mine de bronzer au soleil, étendu comme un roi. Sa Majesté jugeait de manière hautaine tous les roturiers qui travaillaient dans le camp, et il détournait hautainement le regard quand l’un d’eux osait poser ses yeux minables sur lui. Puis, lorsqu’il aperçut enfin Menthe des Sables sortir de sa tanière, il s’assura que l’entrée de celle-ci n’était plus à sa portée de vue et il se rua dessus.

La tanière était in-croy-able. Vraiment, elle était énorme ! Il s’imaginait tout : ici un blessé, là c’était sûrement là où elle se reposait et ici… Ohoh, ici la réserve de plantes. On lui avait dit : Surtout, ne touche jamais aux herbes de la guérisseuse et gnagnagni et gnagnagna. T’inquiète frérot ! Le chaton observa tout, avec les yeux, comme on lui avait dit. S’il le faisait, c’était parce qu’il était en mission secrète. Il ne fallait absolument pas qu’il se fît repérer, donc, foutre le souk dans sa tanière, ce serait vraaaiment pas malin malin. Il tendit l’oreille pour guetter le retour de la proprio. Pas un bruit. Nickel, y’avait plus qu’à se cacher. Ni une ni deux, il alla se planquer derrière un rocher. Minable ? Eh, on juge pas comme ça ! Ce chaton était gris, ne l’oubliez pas, et donc gris sur gris… Bien, vu, on voit pas ! Derrière ce relief, bien sûr qu’il serait cramé, mais pas depuis l’entrée de la tanière. On le verrait si on avançait dedans, à condition d’avoir des bons yeux, déjà, eheh. Le tour était joué, manquait plus que Menthe des Sables. Elle était pas prête.

Le petit chat gris attendait impatiemment le retour de la locataire. Franchement, elle était super longue ! Il jeta un œil aux alentours. Il aurait eu le temps d’explorer plus en profondeur les lieux, et même de le faire deux fois s’il l’avait voulu, non, au moins dix fois ! Il lâcha un long soupir exaspéré et un peu forcé. Enfin, ça faisait partie de la mission. Les vrais guerriers étaient patients, eux, il devait donc faire de même. Très bien, il allait encore attendre. Mais un peu seulement. Après, tant pis, il irait explorer et il lui sauterait dessus à son retour, et dommage pour l’effet surprise, mais de toute façon il n’avait pas besoin de ça pour gagner ! À cette pensée, le chaton était encore plus excité. Oh que oui, ça allait être beaucoup trop bien !

Pile quand il pensa ça, Menthe des Sables apparut. Petit Sanglier se plaqua encore plus au sol, retenant presque son souffle, les yeux ronds comme deux billes. Il y était presque, il fallait attendre qu’elle s’approchât un peu plus et le tour était joué. Il vit même que la concernée portait une souris dans la gueule. Parfait, ça serait… son butin de chasse ! Elle était vraiment trop cool, Menthe des Sables, vraiment, elle pensait à tout, c’était incroyable. Le petit chat léopard fit alors bouger des pattes arrières, prêt à bondir sur sa proie. Lorsque la chatte des sables fut suffisamment près, Petit Sanglier sauta sur sa cible en poussant un hurlement guerrier à en effrayer toutes les souris de CerfBlanc :

« EMBUSCAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAADE !! »

Il était trop content et tout fier d’avoir atterri sur le dos de la guérisseuse, mais ce n’était que le début d’une longue lutte acharnée bien sûr, il ne fallait ni se déconcentrer, ni faiblir, au contraire, c’était le moment de tout donner ! Par contre, impossible de la déstabiliser pour la faire tomber, cette chose était bieeeen trop grosse ! Un apprenti, ça passait encore, mais là dessus, les adultes, c’était compliqué.

« Lâche ton butin et bats-toi ! La survie de toutes tes herbes en dépend, alors bats-toi si tu veux les revoir saines et sauves ! »

Oui, c’était une menace inventée sur le coup, mais le chaton s’était dit que s’il y avait une chose qui comptait plus que tout pour elle, c’était bien ces plantes-là. Elle passait la journée avec elles, c’était bien pour une raison. Et puis, on lui avait sommé de ne jamais y toucher, c’était un argument en plus. En tout cas, la petite bête voulait vraiment se battre, et il s’agrippait avec ses petites griffes pointues à la guérisseuse, le poil en bataille, ayant littéralement doublé de volume. Attendez un peu qu’il grandisse celui-là, il deviendrait vite ingérable !

Le chaton bengal s'agrippait avec ses petites griffes pointues sur le dos de la guérisseuse, souriant encore plus lorsqu’elle poussa un cri de terreur. Mouhahaha, elle ne m’avait même pas remarqué ! Je suis trop fort ! Il n’avait pas conscience qu’il l’avait effrayée au-delà des mots. La petite bête s’en fichait, enfin, il ne s’en rendait pas compte. Pour lui, tout était jeu et amusement. Il n’était pas stupide pour autant, il savait utiliser sa tête… pour faire des attaques encore meilleures, la preuve était son embuscade !

… Mais la guérisseuse fut plus maline que lui pour le coup et elle se coucha à terre pour rouler au sol dans la foulée, obligeant la petite boule de poils grise à quitter le navire, bondissant avant que le bateau ne coulât. Ah ! Ah ouais ? Elle jouait à la plus maline ? Mais elle n’avait encore rien vu du tout, oui. Petit Sanglier gardait sa botte secrète. Elle n’était vraiment pas prête. En tout cas, la féline sable s’interposa entre le gamin et sa réserve de plante, gonflant le poil, le dos rond,un peu plus menaçante que d’habitude, il fallait avouer que d’ordinaire, elle avait l’air plutôt douce et gentille. Le chaton léopard la préférait comme ça, c’était plus drôle et surtout plus passionnant quand même ! Menthe des Sables lui lança alors un défi :

« Viens prendre mes pissenlits si tu l'oses ! »

Ses… Pissenlits ? C’était tout ce qu’elle avait ? Elle bluffait forcément pour protéger le reste de ses plantes, ses plantes précieuses, ses préférées quoi ! La petite bête se plaqua au sol, la queue battant de droite à gauche, se positionnant sur ses appuis de telle sorte à être prêt à bondir d’un moment à l’autre. L’attaquer de front s’avérait risqué. Elle était bien plus imposante que lui, elle pouvait gagner le corps à corps, mais en même temps, c’était teeeellement tentant ! Peut-être pouvait-il passer à sa droite ou sa gauche, il était bien plus petit qu’elle et n’aurait pas de mal à se faufiler. Il se mit à gonfler son pelage, doublant de volume pour paraître quelque peu plus imposant malgré sa petite taille de chaton. Il s’exclama alors :

« Bien sûr que j’ose, tu me prends pour qui ?! »

Sur ces paroles, Petit Sanglier s’élança, rapide comme l’éclair - enfin, aussi rapide que pouvait l’être un gamin - et passa à la droite de la guérisseuse… mais tomba sur une de ses pattes arrières, qui lui bloquait très largement le passage. Furieux, le petit chat s’agrippa à celle-ci et fit mine de la mordiller - ou il la mordilla vraiment ? Il avait du mal à ne pas faire semblant, parfois.