I don't feel good, ft Nuage Argenté

Paisiblement roulé en boule contre la peau douce de sa mère, contre Petite Abeille, qui lui écrasait le ventre en lui donnant des coups de pattes dans son sommeil (elle devait probablement rêver qu'elle jouait avec de la mousse !) et contre Petit Frelon, Petit Bourdon était le plus heureux des chatons. Sa vie se résumait à dormir, à se réveiller pour attraper la mamelle de sa mère, puis à se rendormir, calé contre elle, sentant sa merveilleuse odeur synonyme de nourriture à profusion. Le chaton ouvrit un oeil, puis l'autre, et bailla, en dévoilant sa langue rose et des petits crocs qui étaient à peine visibles.

Et une douleur toute nouvelle lui parcourut la gorge, et il toussa. Affolé par cette quinte de toux qui lui parut être comme un tremblement de terre, il se leva d'un coup, et tenta de croiser le regard d'Ascendance de l'Aube, qui malheureusement semblait vivre sa meilleure sieste. Probablement réveillé par ses soubresauts, Petite Abeille avait quitté son doux rêve et observait son frère avec une inquiétude grandissante.
Le petit matou lui donna un coup de langue affectueux entre les deux oreilles, sachant bien que sa soeur avait la fâcheuse tendance de paniquer pour tout et rien, et qu'elle risquait d'aller prévenir son père, sa mère voire même le chef craignant qu'il ne lui clamse entre les pattes. Cependant, il ne pouvait qu'avouer que jamais il n'avait eu aussi mal de sa vie, et que sa gorge semblait être prise dans un étau, complètement serrée et en feu.

"Va donc chez le guérisseur ! Ou sinon je préviens maman ! Tu es malade, Petit Bourdon, ça peut être très grave si tu ne te guéris pas tout de suite ", le menaça de sa petite voix fluette sa jumelle, debout et tout à fait réveillée désormais.

Petit Bourdon hocha la tête vigoureusement à la manière d'un soldat, sachant bien qu'elle n'hésiterait pas un instant à le faire, s'il restait dans la pouponnière. Il s'extirpa un peu maladroitement de la tanière, en manquant de tomber sur Petit Frelon, et après un temps qui lui parut infini, il sentit l'air frais ébouriffer sa fourrure imposante.
Ses yeux verts se posèrent sur le ciel, et c'est avec une moue un peu désolée qu'il se rendit compte que ce ne serait pas non plus aujourd'hui qu'il profiterait d'une bonne sieste au soleil, à sentir les doux rayons de l'astre doré lui effleurer ses tigrures noires ébènes tout en écoutant sa fratrie jouer à se battre. Il se mêlait très rarement à leurs jeux, pour la simple et bonne raison qu'il fallait se mouvoir dans tous les sens, et que cela ne faisait pas partie de ses priorités de vie, lui qui n'existait seulement pour dormir et manger.

Au loin, il aperçut son père qui envoyait des guerriers en patrouille. Ce leadership l'étonnait franchement, et il était très admiratif de cette qualité qu'il n'aurait probablement jamais. C'est-à-dire qu'il ne la recherchait guère. Oubliant pourquoi il était sorti, il s'assit lourdement sur ses fesses, et observa tout le petit monde qui s'agitait autour de lui, sans que personne ne lui prête attention.
"Petit Bourdon !! Va chez le guérisseur !!

Ah. Oui. Il avait mal à la gorge. Il marmonna un petit oui à l'égard de sa soeur puis se leva. Le chaton traversa la clairière, en prenant son temps, ses pattes traînant dans la poussière, et finit par arriver devant la grotte des guérisseurs. Le matou aveugle ne semblait pas être de la partie, et c'était une féline qu'il apercevait. Il se rappela que le félin avait une apprentie. Lui offrant son plus beau sourire, il fit quelques pas, et se présenta, de sa voix lente mais enjouée :
"Bonjour, je suis Petit Bourdon. J'espère que tu passes une bonne journée ! Ce n'est pas trop mon cas, je faisais la sieste et je me suis réveillé en toussant et j'ai super mal à la gorge. Est-ce que c'est grave ?"

Sa voix était devenue un peu plus inquiète. Probablement que c'était Petite Abeille qui lui avait transmis son stress ! Attendant la réponse, il balada son regard en panoramique, observant les plantes aux effluves si particuliers qui s'offraient à ses yeux.

- Non la feuille ne servait qu'à emballer le miel, sinon il aurait dégouliné sur toutes les autres plantes, tu comprends ?

Du miel, donc ! Le jeune chat était ravi de cette découverte gustative. Il mit dans un coin de sa tête l'idée qu'il devrait dire à Petite Abeille d'avoir mal à la gorge pour aller goûter le précieux nectar. Il était certain que cela plairait à sa soeur ! Après tout, sa jumelle, si elle jouait aux mamans inquiètes, était surtout réputée au sein de la fratrie pour ne jamais être repue et de toujours pousser tout le monde pour accéder aux mamelles d'Ascendance de l'Aube la première afin d'avoir le plus de lait possible !
Petit Bourdon hocha la tête, comprenant bien l'utilité de la feuille, même s'il trouvait dommage que le miel ne puisse s'échapper à même le sol. Cela ne l'aurait nullement dérangé de lécher le sol plein de poussière pour ravir encore un peu plus ses papilles, qui ne demandaient qu'à être resservies du liquide doré.

Il déposa la feuille devant lui, et observa avec attention ladite Nuage Argenté la saisir et la plonger dans de l'eau. Quel geste parfait ! Puis la féline revint vers lui et s'assit, tout en l'interrogeant :
"C'est tout bon pour toi ! Tu verras, ta gorge ira bien mieux avec ce miel. Mais dis moi, tu vas devenir apprenti dans assez peu de temps non ?"

Il sentait déjà que la chaleur du miel l'avait requinqué, et que la douleur s'estompait déjà, même si chaque fois qu'il déglutissait, il ressentait comme des picotements dans sa gorge. Petit Bourdon hocha vigoureusement la tête, puis s’allongea de nouveau. C’était fou comme on était à l’aise couchés ! Pas la peine de faire attention à sa posture, de chercher à trouver un équilibre certain entre les pattes avant et les pattes arrière !
"Ouhlà, il me reste pas loin de … 4 lunes, je crois ! Mais tu sais, j’ai pas forcément hâte. Je sais pas si c’est normal ou pas mais moi j’adore dormir. J’ai pas envie d’aller chasser les animaux qui font la sieste sans savoir que je vais leur donner un coup de patte qui va les tuer. Et c’est fatiguant de courir dans le camp, alors imagine les patrouilles comme ça doit être épuisant !"

Dans sa naïve confiance, il balança toutes ses peurs qu’il n’avait énoncé qu’à sa famille. C’est que Nuage Argenté avait l’air d’être une oreille tout à fait compatissante !